Gilbert Garcin à la Galerie Detaille

Le Printemps de l’Art Contemporain 2015

L’art à la carte

Septième édition du Printemps de l’Art Contemporain — le PAC pour les intimes — sous la bannière Destination Mars. Soit quatre jours de déambulation dans la ville, de visites, d’expositions bien sûr, de projections, de rencontres avec les artistes, de vernissages, de performances et de concerts. Il convient donc de parcourir attentivement le programme concocté par le réseau Marseille Expos et Caroline Hancock.

 

« La marche ayant été déclarée hors la loi par les planificateurs de la société technocratique, on ne s’étonnera pas que celle-ci devienne par la suite l’objet d’un art à part entière… » Nicolas Bourriaud (1)

Le Printemps de l’Art Contemporain nous invite à la flânerie, tel l’homme moderne et baudelairien. En hommage aux « buveurs d’air », dont était Dominique Piazza (l’inventeur de la carte postale, fil conducteur de cette édition), il s’agira le temps d’un long week-end de déambuler dans Marseille, de la redécouvrir, de devenir en somme le touriste de sa propre ville. Caroline Hancock, commissaire invitée du PAC 2015, prépare cette édition depuis déjà deux ans. Elle nous fait don de son regard sur une ville qu’elle a pris le temps de découvrir et d’aimer. L’édition 2015 marie donc l’art contemporain et le patrimoine qui, on l’avait oublié, regorge de petites histoires, d’anecdotes et de personnalités en tout genre. Ainsi, entre deux galeries d’art, on redécouvrira qui sont Louis Botinelly, Gaston Castel, Gaétan Picon, Fernand Pouillon et Jean Amado, on franchira les portes de lieux institutionnels (Palais Longchamp, Musée Cantini, MuCEM…), on parcourra la ville par quartiers… Le PAC 2015 n’a rien oublié, ni personne, se voulant à la fois une grande manifestation d’art contemporain, mais également un événement populaire réunissant tout ce que Marseille regorge en matière d’art et d’architecture ancienne et contemporaine. Soit un week-end d’art à l’intérieur comme à l’extérieur des sentiers battus… Pour guider vos pas, des promenades urbaines et patrimoniales sont proposées, ainsi que des circuits parcourant les différents lieux d’expositions par quartiers.
Côté festivités, outre la soirée de lancement le mercredi à la Friche et la désormais traditionnelle fiesta le lendemain à l’Atelier Ni et à l’Atelier Tchikebe, une soirée plus sage, avec conférences, projections et spectacle, est proposée vendredi au MuCEM. Samedi, après l’inauguration du nouveau Tram, rendez-vous au cours Julien avec buvette, concert et projections au Vidéodrome 2, et un record du monde à la galerie HO (Histoire de l’Œil) attendu pour 23h15 précise ! Enfin, dimanche, après avoir pique-niqué sur l’incroyable terrasse du Centre Richebois autour des œuvres d’Emilie Perrotto, on s’envolera vers les quartiers Nord puis vers la Corniche, pour finir en beauté au Théâtre Silvain avec guinguette et performance. Les plus résistants se rendront au Mama Beach pour l’after…
Entre-temps, on aura quand même pris le temps de visiter quelques expositions qui, on l’espère, feront date.
Parmi celles très attendues cette année, l’exposition personnelle de Michèle Sylvander. A mon retour, je te raconte a été pensée autour de documents retrouvés par l’artiste dans les effets personnels de sa mère. Les nouvelles œuvres produites par Michèle Sylvander partent de ces archives, hypomnémata (2) de l’histoire de sa famille, de ses souvenirs de petite fille au temps des colonies, en Indochine. Une exposition personnelle et pudique à la fois dans laquelle l’artiste nous raconte tout autant qu’elle-même : une exposition universelle, donc. Rendez-vous ensuite à la galerie Porte-Avion pour une conversation à distance, et en direct du Japon, avec Antonio Gagliardi. Cherry Blossoms présente les cartes postales de l’artiste, toutes réalisées pendant ses longs voyages en Asie. La promenade se poursuit chez Diagonale 61 avec Antonio Contador en situation de performance d’écriture, puis en face chez Où avec Cindy Coutant et les dessins maquettes de Richard Baquié. En route pour la Friche, on s’arrête dans l’atelier Visualise, où Lise Couzinier invite Rémy Ucheda. Les deux artistes réunis pour l’occasion mettent en formes leurs correspondances artistiques entre Marseille et Paris. Arrivés sur le site de la Friche, on pourra découvrir notamment deux expositions dont la liste des artistes ne peut laisser de marbre. A commencer par celle de Sextant & plus réunissant, entre autres, Pierre Huyghe, Ann Veronica Janssens, Gordon Matta-Clark ou Mounir Fatmi. FOMO (Fear Of Missing Out) transpose la correspondance jadis véhiculée par la lettre ou la carte postale aux nouveaux moyens de communication (réseaux sociaux, Internet). Dans la Tour-Panorama, l’exposition au titre évocateur produite par Astérides, Après avoir tout oublié, réunit elle aussi une belle liste d’artistes, dont Abdelkader Benchamma (prix Drawing Now 2015), Abraham Poincheval, Francesco Finizio, Arthur Sirignano… Quinze artistes y sont invités à travailler à partir d’un scénario leur donnant différents rôles : professeurs, médiateurs, alpinistes ou archéologues du futur… La journée s’achève dans les Ateliers Ni et Tchikebe, pour l’exposition de Thomas Royez et Stéphane Protic chez les premiers et une édition spéciale dans l’atelier de sérigraphie : Quality Prints, tirages de multiples vendus à 100 € pièce, signés Gilles Barbier, Virginie Barré, Gianni Motti… Peut-être vos premiers petits pas de grands collectionneurs…
Le Musée Longchamp, le Musée Cantini et le Musée d’Histoire naturelle accueillent au sein de leurs collections des œuvres contemporaines, notamment une sélection du Fond Communal d’Art Contemporain. Au Musée Cantini, Pascal Navarro, Chourouk Hriech et d’autres artistes d’aujourd’hui côtoieront ainsi les œuvres d’Edouard Hopper, de Vieira da Silva et d’Antonin Artaud… Du côté de Belsunce, le détour à la Compagnie sera comme chaque année l’une des meilleures surprises du PAC : l’exposition La Carte postale revisitée annonce un propos autour de la carte postale et de ses formes manuscrite, imagée, photographiée, dont les différents éléments se décomposent et se désolidarisent pour s’envisager chacun de leur côté. Didier Gourvennec Ogor frappera quant à lui deux fois avec Ali Mahdavi, dans son antre de la rue Duverger et à la Maison méditerranéenne des Métiers de la Mode, qui trouve en l’artiste une belle personnalisation de ses professions. Dans le Panier, passage obligé chez Vidéochroniques avec l’exposition de Vincent Bonnet. Sous la houlette de Hydrib, Chourouk Hriech, encore elle, s’installera rue de Rome, où ses dessins exposés en vitrine feront écho à ses éléments architecturaux. Puis direction la Galerie du 5e pour y découvrir l’exposition personnelle de John Deneuve, Spectre normal, dont la promesse est déjà une œuvre en soi. Le nouveau lieu rue Ferrari de l’association Rond Projects invitera pour sa part la commissaire d’exposition Anja Isabel Schneider, qui invitera elle-même l’artiste berlinoise Nina Canell. A la galerie HO, l’artiste Arvind Mishra lira le Mahabharata pour établir le fameux record du monde susmentionné, soit 200 000 versets qui le mèneront à la transcendance peut-être et au dépassement de soi de façon certaine… A la Straat Galerie, Sylvain Couzinet-Jacques invente de nouvelles écritures entre photographies, vidéos, sculptures et installations. On quitte le cours Julien pour descendre vers la Préfecture retrouver Claire Dantzer et ses cumulus rosés, transférés chez Ugot.
Dimanche, toutes les galeries ferment pour laisser le public découvrir les projets menés par Sextant & plus, Où et l’aventure et Hydrib dans différents quartiers au nord de la ville : les œuvres pérennes de Yazid Oulab ou Charlie Jeffery à la Bricarde, l’œuvre participative de Wendy Vachal en résidence au Centre social de la Castellane, les projets croisés d’Estel Fonseca, Ishem Rouaï et Louis Bagenault à Malpassé… Il sera enfin temps de découvrir l’exposition d’Emilie Perrotto en résidence depuis une année au Centre Richebois, pour finir comme à l’accoutumée par Julien Blaine à l’American Gallery…
En chemin, on n’aura pas oublié de passer par les lieux insolites, ouverts seulement pour l’occasion, comme le CIRVA au Panier ou la galerie Detaille, unique héritière des studios Nadar — pionniers de la photographie, démolis cette année dans l’indifférence générale — pour une exposition de Gilbert Garcin.
Le PAC sera aussi l’occasion de revenir sur les interventions régulières de Richard Baquié et Véronique Rizzo à Malpassé, de Gilles Desplanques au Collège Vieux-Port, de Bernard Pagès et Douglas Martin à l’Alcazar ou encore d’Anne-Valerie Gasc au collège Jean-Claude Izzo…
Autant dire de l’art à tous les coins de rue.

Céline Ghisleri

 

Printemps de l’Art Contemporain : du 14 au 17/05 à Marseille (expos jusqu’au 21/06).
Rens. : 09 50 71 13 54 / www.marseilleexpos.com

Circuits du Printemps de l’art contemporain : inscriptions obligatoires à circuits@marseilleexpos.com

La programmation complète du Printemps de l’Art Contemporain ici

 

 

Notes
  1. Nicolas Bourriaud, Formes de vie P.14 Ed. Denoël[]
  2. Les hypomnémata sont les supports artificiels de la mémoire sous toutes leurs formes : de l’os incisé préhistorique au lecteur MP3, en passant par l’écriture de la Bible, l’imprimerie, la photographie, etc.
    Rens. : http://arsindustrialis.org/hypomnemata[]
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