Caroline Nasica © Chloe VollmerLo

Identité Remarquable | Caroline Nasica

À quelques jours de sa première exposition d’illustrations à Marseille, il était temps de faire le portrait de Caroline Nasica, l’une des étoiles montantes de la bande dessinée en France. Aujourd’hui basée dans la cité phocéenne, l’artiste au tempérament bien trempé n’en finit pas de nous régaler. Autour d’un café, nous avons échangé avec celle qui va vous faire rire aux éclats — si ce n’est pas déjà le cas.

 

 

Caroline Nasica est une fille du Sud, une vraie. Elle a grandi entre Nice, Marseille et la Corse, où vit toujours la majeure partie de sa famille. De l’île de Beauté, elle a sûrement hérité son fort caractère. Depuis sa première bande dessinée, Caro et les Zinzins (2021), elle tend à briser les clichés sur les jeunes Corses.

La jeune femme vient d’une famille d’artiste. Sa grand-mère peint, sa mère est storyboardeuse dans la pub. Caroline dessine aussi, mais elle comprend vite que le métier d’illustrateur est précaire ; elle lâche son crayon pour se lancer dans des études de direction artistique. Pendant cette période, elle cumule les petits jobs : service, photographe en soirée… La photo, c’est sa première passion. En 2020, les portraits de ses amis et de sa famille sont exposés à Ajaccio, non loin de son village d’enfance. Les amis, la famille et la Corse : trois sujets photographiques prémonitoires pour la suite de sa carrière… dans la BD !

En effet, la bande dessinée arrive plus tard, un peu par hasard. 2020, c’est l’année du confinement, une période de creux pour la jeune artiste qui, pour rassasier son besoin de création, se lance dans le dessin. Elle a plein d’histoires folles à raconter, des soirées en Corse, des dates mouvementés, des histoires d’amour et de potes déjantées. Alors elle se lance. Sur Instagram, elle se renomme Zinzin, ce qui donne le ton à son projet. Et elle produit des centaines de petits strips croustillants, en noir et blanc, totalement autobiographiques, sans honte et avec un humour mordant. Bref, sans le savoir, elle vient de lancer sa carrière dans le dessin ! On ne sait jamais où se cache le succès…

Son compte Instagram tient une place primordiale dans son parcours. La jeune femme publie, beaucoup, et voit son nombre d’abonnés augmenter à vive allure. Elle en gagne dix mille en quelques mois à la création du compte. Elle trouve directement le ton qui lui plait et, du même coup, son public. On ressent son plaisir à raconter ses péripéties, qui ne se tarit pas. Peu de gens sont capables d’une telle autodérision. Elle propose aussi à ses abonnés de mettre en dessins leurs histoires de zinzins, ce qui permet à la communauté de s’étendre. Elle va démarcher d’autres artistes sur les réseaux pour faire connaître son compte. Caroline ne lâche rien, elle sait qu’elle touche à quelque chose.

Oui mais voilà : la consécration des bédéistes reste l’album imprimé. La jeune femme a déjà son public sur les réseaux et surtout, une production foisonnante de strips. Il ne lui reste plus qu’à trouver une maison d’édition qui lui fasse confiance pour publier son premier ouvrage. Elle entend alors parler d’une nouvelle maison d’édition spécialisée en bande dessinée basée à Marseille, qui commence à faire un peu de bruit : Exemplaire. Fondée en 2021 par l’illustratrice Lisa Mandel, elle se bat pour une plus juste rémunération des auteur·ice·s. Le principe pour être publié : réussir pour l’auteur·ice à atteindre un objectif de dons via un crowdfunding. Cela implique d’avoir déjà une notoriété sur les réseaux assez solide afin de mener à bien la cagnotte. Caroline entre en contact avec Lisa Mandel en 2021 et cette dernière est emballée : « Tu es un diamant brut de la bande dessinée ! » La créatrice d’Exemplaire ne s’y est pas trompée : la cagnotte de Caro et les Zinzins, recueil de dizaines d’histoires publiées sur Instagram augmenté d’exclusivités, atteint le plafond en un seul jour !

En parallèle de cette première publication, Caroline Nasica est approchée par les éditions Larousse, qui lui proposent de publier un ouvrage. 5 Rue du Boucan (2023) relate la vie d’une coloc’ de cinq jeunes barrés à Marseille. Entre temps, elle aura aussi sorti le tome 2 de Caro et les Zinzins, toujours chez Exemplaire, une série qu’elle souhaite faire durer « même quand je serai vieille et que tout ce que j’aurai à raconter, c’est que je me suis cassé une dent sur un biscuit tout sec. » Son personnage va ainsi continuer à grandir, comme son lectorat. Une belle histoire de bédé.

Nous voici en 2024 et elle ne s’arrête plus ! Elle est actuellement en préparation d’une nouvelle bande dessinée aux éditions Dargaud (une consécration dans le milieu), qui parlera de la Corse et des histoires de sa famille — on y revient —, un ouvrage en couleurs qui se déroulera le temps d’un été. On en saura plus à sa sortie, prévue en 2025. On en connait déjà le titre : Zia Zinzin, zia signifiant tata en corse.

En parallèle de cette sortie, Caroline Nasica a une actualité bien chargée. Le Bon Air lui a commandé une fresque gigantesque pour l’édition 2024. « J’ai même accueilli une soirée du festival sur ma terrasse ! » Elle est actuellement en train de produire, pour la revue numérique Mâtin, quel journal ! de Dargaud, deux petites chroniques dessinées éducatives à l’usage des ados, sur l’influence du porno chez les jeunes et les risques liés à l’usage de drogues (l’un paraitra en septembre prochain en version papier, l’autre sera disponible en ligne sur le compte Instagram du journal en juin). Pour couronner le tout, elle est en train de réaliser un grand projet : ouvrir son propre lieu, dans un grand bâtiment rue Breteuil. Elle y organisera des expos, ainsi que des évènements variés, et y vendra les goodies de son site internet (notamment des t-shirts sérigraphiés à Marseille à l’Abbaye Print). Caroline connait trop bien, de par sa famille d’artistes, la peur que tout s’arrête. Alors elle ne se laisse pas passer à côté d’un seul projet, quitte à parfois essuyer quelques « mental breakdown ». L’apanage des hyperactifs.

Et la suite ? Elle se verrait bien réalisatrice de série (pourquoi pas adapter Caro et les Zinzins ?), si l’occasion se présente et si elle n’est pas en train d’écrire trois bandes dessinées en parallèle. Gageons qu’elle ira au bout de ses nombreux projets. Une étoile est née.

 

Mona Lobert

 

Les Vilains : du 10 au 14/05 au Stockk (52 Rue de Lorette, 2e). Vernissage le 10/05 à partir de 18h30.

Rens. : www.instagram.com/lestockk/

Pour en (sa)voir plus : https://linktr.ee/zinzin.nsc / www.instagram.com/zinzin_nsc/