Videodrome 2

Videodrome 2 veut éviter le crash

Son modèle économique a beau reposer pour l’essentiel sur son bar, pas question pour Videodrome 2 de boire la tasse ! Le vidéoclub devenu salle de cinéma vient de lancer un appel à don.

 

 

Il est des hasards parfois troublants. Quelques jours avant de se pencher sur le sort du Videodrome, cette petite salle de cinéma marseillaise qui fait aussi bar et vidéoclub, on est allé voir au cinéma les Variétés, à la faveur du Festival Recall, le film éponyme de David Cronenberg. À la fin (attention, spoiler alerte !) James Woods se fait les crocs et la main sur un opticien manipulateur en clamant : « Mort à Videodrome, longue vie à la nouvelle chair ! » En sortant de la salle et au regard des difficultés de l’établissement, on s’est dit que, rétrospectivement, c’était peut-être un peu risqué pour un lieu voulant promouvoir le septième art que d’adopter un tel patronyme.

Pourtant, à Marseille, Videodrome, c’est presque une institution. Récemment, on a remis la main par hasard sur notre vieille carte d’abonné à l’époque où Videodrome n’était encore qu’un vidéoclub niché rue Vian, petit établissement où, à l’heure du film et des pizzas, on se perdait au milieu des centaines de références, galeries de raretés où l’on ne savait où donner de la tête de lecture. Depuis, son fondateur, Emmanuel Vigne officie à Port-de-Bouc, au Cinéma le Méliès (ainsi que dans les colonnes de Ventilo, NDLR) et Videodrome 2 vient de lancer sur la plateforme Hello Asso un appel aux dons pour passer l’hiver. Avec un sens certain de la formule : « À bout de souffle ».

La petite équipe qui le fait vivre désormais sur le Cours Julien serait-elle à deux doigts du burn out ? En tout cas, elle ne manque pas d’activité : « On fête ce mois-ci nos huit ans, souligne Claire Lasolle. En 2015, on ne voulait pas voir ce vidéoclub disparaître et on s’est retrouvé à plusieurs pour donner vie et de la cohérence à un lieu qui est toujours un vidéoclub mais aussi et surtout une salle de cinéma ainsi qu’un bar. »

Avec une salle de 49 places et une programmation aussi exigeante et ouverte que sa terrasse, Videodrome 2 n’a eu aucun mal à faire sa place. À l’époque, la Baleine était encore un théâtre de contes, les Variétés comme le César dans la tourmente et Artplexe n’avait pas encore remplacé la mairie 1/7 en haut de la Canebière.

Mais voilà. Non content de pratiquer le prix libre, l’établissement a l’outrecuidance de vouloir salarier celles et ceux qui le font vivre. « Au Smic », précise Claire. Qui compte « Neuf ETP, 105 heures hebdomadaires » pour le bar et la bagatelle de « 320 séances par an, sans compter les séances jeune public chaque semaine. » Et de détailler : « Si l’on a le soutien de certaines collectivités — la Ville, la Région… — comme on n’est pas un cinéma d’exploitation, on n’a aucune aide du CNC. Or, pour chaque séance, les droits, c’est, a minima, 100-150 euros et jusqu’à 300 euros. Mais aussi le fait de se procurer les bobines, de faire venir un ou plusieurs invités… »

Bref, après s’être pris de plein fouet le Covid, Videodrome 2 doit faire face, comme nombre de lieux, à la hausse des prix de l’énergie, des matières premières ainsi qu’à « la transformation du centre-ville de Marseille. Même si l’on fait le plein lors de nos séances et qu’on a une centaine d’abonnés à notre vidéothèque, notre modèle économique repose essentiellement sur le bar. Or, autour de nous, les terrasses se sont multipliées. Voilà pourquoi, pour passer l’hiver, on a décidé de lancer cet appel aux dons. Pour ensuite repenser notre fonctionnement. »

Difficile de se réinventer quand on a « le nez dans le guidon », confie Claire. Mais, alors que l’équipe a déjà connu cet été deux départs, à Videodrome 2, on cherche, comme tout le monde, un mécène, on sollicite les institutions et l’on envisage « peut-être de réduire le nombre de séances mais aussi renforcer le recours au bénévolat. Et organiser des DJ sets pour attirer du monde. » Ajoutant : « Et si, contrairement à Manifesten ou à Data, on n’envisage pas le rachat, c’est tout simplement parce qu’on ne le peut pas », soupire celle qui, avant de répondre à nos questions, s’est pliée au même exercice avec une radio locale. Alors que le lundi, c’est, normalement, jour de repos…

Pour l’heure, grâce à une campagne d’appel aux dons qui doit s’achever en mai, Videodrome 2 a déjà réuni près de la moitié des 20 000 euros dont l’établissement a besoin pour continuer. En attendant, pas question de revenir sur le prix libre, de vendre le houblon à prix d’or ou de rogner sur la qualité de la programmation. D’une certaine manière, on sent, à travers celle-ci, une pointe d’optimisme. En témoigne ce mois-ci un cycle autour de la production cinématographique des Monty Python. Un cycle intitulé avec justesse Always look on the bright side of life. Pas con !

 

Sébastien Boistel

 

Videodrome 2 : 49 cours Julien, 6e.

Rens. : www.videodrome2.fr