par Lisa Mandel

Identités Remarquables | Lisa Mandel

Mon an, Lisa

 

Après 365 jours de dur labeur à raison d’une page de bande dessinée produite par jour sur son blog, Lisa Mandel publie en juillet Une année exemplaire, son rapport personnel d’un défi personnel consistant à ne plus succomber à ses addictions. Nous avons retracé avec la bédéiste son parcours et l’avons questionnée sur ce pari dessiné.

 

Le parcours de Lisa Mandel est linéaire : elle entre au lycée Denis Diderot à Marseille, section arts appliqués avec un baccalauréat en poche en 1995, puis intègre l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg avec comme spécialisation l’illustration pour la jeunesse. À cette époque, « on disait que cette voie était pour les filles tandis que la bande dessinée était pour les garçons. » C’est lors d’un stage à Milan Presse (Toulouse) qu’elle commence à faire des illustrations, tirant profit des vacances estivales des illustrateurs du journal.

L’aventure des dessins pour enfants débute en fanfare l’année de son diplôme avec la série décalée et burlesque Nini Patalo dans le magazine Tchô !. Nous sommes en 2001. Quelques œuvres plus loin, Lisa s’oriente peu à peu vers la bande dessinée tout public teintée d’une touche de sociologie. Le premier exemple notable est probablement HP (2009-2013), qui traite de l’histoire de la psychiatrie à Marseille dans les années 70. Cette œuvre évoque le passage d’une psychiatrie asilaire, où l’enfermement est roi, à une psychiatrie de secteur, où l’accompagnement vers la réhabilitation devient la clé. C’est donc sans surprise qu’elle lance la collection Sociorama chez Casterman en 2016 avec la sociologue Yasmine Bouagga, avec comme première publication Les Nouvelles de la Jungle de Calais, un album sur les derniers jours des camps de migrants et réfugiés de Calais. Il faut croire que la sociologie de terrain se marie bien avec le dessin.

Au commencement, Une année exemplaire était un journal de bord, sous la forme d’un blog, hébergé sur Lemonde.fr. Lisa est une habituée de ce format, sous lequel elle publie des dessins sur la jungle de Calais, les présidentielles vues par des enfants ou encore sur un camp de réfugiés au nord Liban. Aussi et surtout, elle y publie un journal intime qu’elle a tenu de neuf à vingt-cinq ans, exemple marquant de son envie de se raconter pour mieux nous montrer le monde qui nous entoure au présent, avec beaucoup d’humour.

À l’évocation du titre de son dernier opus, Lisa nous avertit : l’année n’a été que partiellement exemplaire et (attention spoiler !) le « défi a raté ». Le défi ? Renoncer à toutes ses addictions : la nourriture grasse et sucrée, les jeux vidéo, l’alcool, les cigarettes, les séries débiles. Elle décide aussi de se mettre au sport, et de dessiner quotidiennement l’impact de cette épreuve mentale sur sa vie et le degré de réussite de l’entreprise. Un programme très ambitieux qui a su séduire les donateurs ayant participé au financement participatif de l’album. Derrière ce challenge s’en cache un autre : s’autoéditer de A à Z. La dessinatrice évoque la nécessité dans ce défi de souffler un peu et « d’être entourée d’une équipe » (proches, correctrices et graphiste). Malgré la difficulté du défi personnel, Lisa Mandel aimerait retenter un jour cette expérience.

La bédéiste autoéditée évoque la relation auteur/éditeur comme déséquilibrée. « L’auteur est la cinquième roue du carrosse. Il galère de plus en plus avec, notamment, des avances sur droits de plus en plus faibles et trop de droits cédés. Par ailleurs, les outils informatiques dont nous disposons aujourd’hui permettent d’être plus autonomes sur la communication, la promotion des ouvrages. Les éditeurs doivent arrêter d’infantiliser les auteurs pour qu’ils retrouvent une vraie place. »

Avec cette année extraordinaire, au-delà de la découverte d’une personne drôle et attachante, nous prenons du recul sur l’actualité.

 

Guillaume Arias

 

Une année exemplaire, écrit et autoédité par Lisa Mandel, disponible dans toutes les librairies et sur son site www.lisamandel.fr