Retour à Berratham © Jean-Claude Carbonne

Retour à Berratham au Grand Théâtre de Provence

Passé recomposé

 

Angelin Preljocaj définit sa dernière création, Retour à Berratham, comme « une tragédie épique contemporaine ». Une histoire de quête assurément, celle du héros de la pièce à la recherche de sa promise, mais aussi celle du chorégraphe d’origine albanaise sur les traces de son passé.

 

Après son passage mouvementé cet été au Festival d’Avignon, c’est en voisin, au Grand Théâtre de Provence, qu’Angelin Preljocaj recréera son spectacle, écourté d’un quart d’heure, davantage resserré sur le texte et dans une scénographie forcément plus intimiste.
De même, le travail sur la lumière trouvera assurément une place plus juste, plus conforme à l’atmosphère oppressante du propos, dans cette salle aux dimensions moins démesurées que celles de la cour d’honneur du Palais des Papes.
Preljocaj aime danser avec les mots. Il y a d’abord eu ceux de Pascal Quignard, il y a de cela vingt ans à Châteauvallon, où danse et texte s’étaient magistralement épousés dans L’Anoure. Puis ceux de Laurent Mauvignier pour le très remarqué Ce que j’appelle oubli, tiré du roman éponyme, en 2012. Les deux hommes se retrouvent donc aujourd’hui pour ce Retour à Berratham. Mais, est-ce l’effet de commande (faite par Preljocaj), le souvenir si fort du texte de l’oubli, le sujet trop ambitieux, qui font que Mauvignier n’a pas su retrouver l’intensité, la subtilité de son écriture ? Ce n’est donc pas tant la mise en scène que la rugosité du texte qui parfois éloignent le spectateur. Heureusement, la danse est là, magistrale, touchant l’âme et le cœur, comme ce renversant septuor de femmes.
Et si la danse est rare, certes, elle est d’autant plus belle, venant percuter le récit à maints endroits (la préparation de la mariée, le cimetière) tout en venant interroger le passé chorégraphique de Preljocaj. De multiples images, fragments éphémères d’anciennes pièces de son répertoire (Noces, Le Sacre du printemps…) s’interposent, renforcées par la présence d’anciens danseurs de la compagnie : Emma Gustafsson, devenue comédienne et héroïne, encore un peu fragile, de cette création, ou Barbara Sarreau, interprète originelle du ballet, témoin corporel de son aventure et parfaite tragédienne rousse.
Dix autres danseurs et deux comédiens complètent cette distribution, de Laurent Cazanave, impeccable, à Niels Schneider, qui tiendra le rôle principal de Polina, premier film de Prejocaj et de sa femme, Valérie Müller, adapté de la BD de Bastien Vivès.
Retour à Berratham parle de tous les exils et fait raisonner une actualité empreinte de la violence et de la folie des hommes, écho du passé personnel du chorégraphe. Il y a de la tendresse au milieu de toute cette cruauté, une musique magnifique, des instants magiques, des ports de bras et des jupes folkloriques qui vous chavirent… et quelque chose d’inextricable qui nous emporte.

Maryline Laurin

 

Retour à Berratham : du 17 au 19/09 au Grand Théâtre de Provence (380 avenue Max Juvénal, Aix-en-Provence).
Rens. : 08 2013 2013 / www.lestheatres.net

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