Paroles, paroles…

Paroles, paroles…

Les Gascons n’ont pas de bol. Ils auront pourtant tout essayé : distiller une délicieuse eau de vie (l’armagnac), offrir à la France le plus grand de ses Mousquetaires et les meilleurs de ses gallinacés… Rien n’y fait : quand on parle de Gascon, c’est quasi inévitablement pour évoquer une promesse en l’air. Mais que nos amis du Gers se rassurent : ils n’ont pas le monopole de la hâblerie, loin de là. La Mairie de Marseille, par exemple, est passée maître en matière de promesses non tenues. En témoignent ces panneaux qui trônaient encore il y a peu aux alentours de la gare Saint-Charles, annonçant pour « très bientôt » la fin des travaux… Les énormes rats sortis de leurs égouts pour l’occasion en rient encore ! Les rats de bibliothèque rient aussi, mais jaune : que de patience leur aura-t-il fallu avant l’ouverture de la BMVR, maintes fois annoncée, maintes fois reportée. Mais bon, jusqu’à preuve du contraire, les Marseillais sont français — et l’homo hexagonalus maîtrise l’art de la gasconnade avec autant de mauvaise foi que l’ami américain. Son Président, bien qu’originaire de Corrèze, a quasiment bâti sa carrière dessus : la liste de ses engagements restés lettres blanches est bien longue, mais sa seule promesse de réduction de la fracture sociale suffit à lui assurer son titre de Roi de Gascons. Même si, en un sens, il ne fait que représenter un monde occidental qui crée du désir pour assurer l’hégémonie de son système (économique) de pensée. Or qui dit désir, dit pub. Qui dit pub, dit manipulation. Et qui dit manipulation, dit promesses de Gascon. Illustration avec la grande mode des alicaments, ces produits alimentaires censés soigner : c’est juré, si vous avalez le petit-lait d’une grande marque, vos bonnes bactéries tueront les mauvaises ! Idem avec ces cosmétiques qui « nous Claudia Schiffer », comme le chantait Souchon : si vous appliquez cette crème, vous paraîtrez dix ans de moins ! Si vous enfilez ce collant, vous perdrez cinq centimètres de tour de cuisse ! Plus fort encore, ces miracles produits par une canne à pêche, l’Instant Fisherman, qui va jusqu’à renforcer les liens familiaux… Sans parler du voyant du coin, qui promet le retour de l’être aimé à coups de petits papiers ! Et puis il y a aussi les Gascons malgré eux, ceux qui promettent en toute bonne foi, persuadés qu’ils vont faire ce qu’ils ont dit : ceux qui promettent seize pages et n’en livrent que douze par exemple. Avec ceux-là, ce qui est pas mal, c’est qu’ils présentent des excuses. Dont acte.

Texte : CC
Phtoto : Karim Grandi-Beaupain