Kamasi Washington

Marseille Jazz des Cinq Continents 2017

Le club des cinq

 

L’édition 2017 du Festival Jazz des Cinq Continents promet. Entre stars mythifiées et artistes plus que confirmés, sans oublier des expérimentations et un ancrage dans la cité phocéenne, l’équipe organisatrice dévoile une programmation aux multiples qualités.

 

C’est déjà complet pour Norah Jones (et heureux sont celles et ceux qui pourront se régaler de la première partie du magicien guitariste Nguyen Lê), mais le Parc Longchamp n’en accueillera pas moins le vénérable Herbie Hancock (qui mobilise le remarquable guitariste franco-béninois Lionel Loueke), avec en première partie le projet jazz-rock en hommage à Joe Zawinul des doux dingues Vincent Peirani et Émile Parisien. Quant à l’immense George Benson, devra-t-on brûler un cierge à la Bonne Mère pour qu’il nous livre un Beyond The Sea (autrement dit La Mer d’un certain Trenet Charles) en ces rivages méditerranéens ? La pelouse de Longchamp sera certainement le théâtre d’une transe collective, pour l’hommage à Art Blakey, rendu par le maître de la batterie afro-beat Tony Allen, dans le cadre d’une soirée qui croise résolument des univers musicaux trop souvent parallèles puisque, ensuite, c’est au tour du vibraphoniste légendaire Roy Ayers de se lancer dans une joute en hommage à Fela, avec l’héritier de ce dernier, Seun Kuti, et les musiciens historiques du rebelle de Lagos. D’engagement, il en sera aussi question avec une soirée résolument afro-américaine : les immenses icônes du jazz black contemporain que sont Robert Glasper (le pianiste le plus nu-soul qui n’oublie pas ses prédécesseurs free) et Kamasi Washington (le saxophoniste ténor qui rend aussi bien hommage à Malcom X qu’à Debussy, compagnon de route de, entre autres, Snoop Dog ou Kendrick Lamar, entouré notamment de la pythie Patrice Quinn au chant, et du furieux Miles Mosley à la contrebasse).

Le rayonnement du festival en ville est désormais une affaire qui roule… et de fort belle manière. Immanquable, au Théâtre Sylvain, le concert du Brandford Marsalis 4tet avec Kurt Elling : le groupe du saxophoniste de la fratrie néo-orléanaise (c’est le frère aîné d’un certain Wynton) alignant, entre autres, l’immense Joey Calderazzo au piano, convie le crooner et scatteur Kurt Elling pour une session qui s’annonce d’ores et déjà d’anthologie. « Je sentais que ma musique serait la fusion des deux genres. J’aimais beaucoup Herbie Hancock et Keith Jarret, mais aussi le vieux funk américain et les classiques de soul », disait Roberto Fonseca, pianiste cubain, durant son apprentissage. Entre contradanza,  mambo, cha-cha-cha, danzon et boléro, esprit de la descarga et hip-hop, il narre à sa manière, fourmillant de clins d’œil au passé, tout en se déclinant sous des détours de contemporanéité. La soirée sur la terrasse du Fort Saint-Jean s’annonce également sous les meilleurs auspices de l’innovation, alignant le duo de Géraldine Laurent (la sax woman boppeuse) avec le guitariste onirique « régional de l’étape » Cyril Achard, une expérimentation free du souffleur Guillaume Perret avec des élèves de la classe de jazz du Conservatoire de Marseille (la première en dehors de Paris, rappelons-le) et de l’Institut Musical de Formation Professionnelle de Salon-de-Provence… Sans oublier la présence du quintet de Yonathan Avishai pour un set aux couleurs nuancées, voire de Piers Faccini pour des instants folk rafraîchissants.

Le FJ5C a muté en rhizome jazz, surgissant dans la cité dans les lieux les plus divers. On l’a vu surgir avec l’immense Marseille de Ahmad Jamal à l’Opéra, et on en verra des pousses aussi bien à l’Alcazar avec Alcajazz (la Bibliothèque convie notamment à une découverte du jazz californien le plus militant avec Kamasi Washington et le griot de Los Angeles Kamau Daaood autour d’une projection sur un projet communautaire dans la métropole américaine) qu’au Parc de Maison Blanche (retenons le Lady Quartet de l’organiste aux pieds nus Rhoda Scott) pour Musiques aux Jardins. Le festival s’étalera jusqu’à la faculté d’Aix-en-Provence (big band dirigé par Nicolas Folmer), voire sur les flancs du Garlaban (au domaine de la Font de Mai avec le délicieux duo Jacky Terrasson/Stéphane Belmondo)… Les pousses locales feront l’objet d’une attention toute particulière dans des hôtels de prestige : notons les présences de trios à l’apéro (Karine Bonnafous entourée du guitariste Wim Welker et du contrebassiste Pierre Fénichel, mais aussi Olivier Lalauze le jeune maître contrebassiste aixois…) et la réitération des Impatients du Jazz, le projet prophylactique dirigé par le (toujours efficace) saxophoniste Fred Pichot.

On en a certainement oublié, mais il est certain que la soirée d’inauguration sur le Toit-Terrasse de La Friche s’annonce d’anthologie avec le redoutable quartet Sons Of Kemet : le Londonien Shabaka Hutchings, au saxophone et à la clarinette, s’entoure de doux dingues (un tuba, deux batteries) pour un set tellurique, un maelström de grooves impitoyables. En sortira-t-on indemne ? Il le faudra bien, si l’on veut profiter de la suite des régalades…

 

Laurent Dussutour (avec la participation de Catherine Moreau

 

Marseille Jazz des Cinq Continents : du 19 au 29/07 à Marseille.
Rens. : www.marseillejazz.com

Le programme complet du festival Marseille Jazz des Cinq Continents ici