Victoire Barbot à Vidéochroniques

Victoire Barbot à Vidéochroniques

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Au Panier, Vidéochroniques accueille jusqu’au 4 mai une exposition d’envergure mettant en lumière le travail de l’artiste plasticienne Victoire Barbot, anciennement installée dans les ateliers de la Ville de Marseille et à l’origine du projet Culot13. Une œuvre évolutive, à la fois conceptuelle et poétique, tout bonnement captivante.

 

L’exposition Cendrer ses sculptures révèle un corpus artistique en perpétuelle métamorphose. L’espace s’articule en quatre installations, chacune d’entre elles s’appuyant sur un approfondissement paradoxal et lucide qui questionne le fondement de la sculpture.

Dès l’entrée, la première proposition des Misensembles révèle un travail de recherche amorcé il y a dix ans, à sa sortie de l’École des Beaux-Arts de Paris. Inspirée par l’histoire industrielle en déclin et issue d’un milieu familial imprégné du monde des entreprises où l’inventaire, le stockage et l’étiquetage étaient monnaie courante, Victoire Barbot a naturellement été attirée par la récupération des matériaux laissés par ces entreprises en faillite. De cette collecte d’objets est née une volonté de les mettre en équilibre pour créer des sculptures. Ainsi, du simple équilibre émane une fascination pour les différents états changeants de ces objets manufacturés, de la vitrine à la réserve obscure, en passant par l’ordre méticuleux de la mise en boîte pour les pièces détachées. Cette analogie entre l’objet manufacturé et l’objet d’art prend tout son sens lorsque l’on souligne la dimension pratique de l’œuvre (prix, montage, présentation, désassemblage, emballage, réserve, archive…). De ces Misensembles découlent ainsi sept états distincts : l’équilibre, le dessin d’équilibre, la forme rangée, le dessin de la forme rangée, la boîte, la mise à plat et la ligne. Ces états créent un processus créatif infini, évoquant le jeu de la poupée russe, où chaque état révèle une dimension nouvelle de l’œuvre. Chacun de ces états extrapole un concept unique et, pour mieux appréhender ce processus de transformation, l’artiste modifie chaque semaine les œuvres selon ce protocole d’états. Des Misensembles soulignent ainsi le lien étroit entre la création artistique et les processus de fabrication industrielle, tout en mettant en évidence les difficultés à représenter et à montrer les différentes phases d’une œuvre.

D’autres installations explorent le statut de la sculpture, en mettant en lumière l’édition originale et la reproductibilité. Après avoir découvert La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin au musée Soumaya à Mexico, une version différente de celle vue au musée Rodin à Paris, l’artiste se questionne sur la signification de l’édition en art contemporain. Comment une même œuvre originale peut-elle être reproduite et présentée dans différents endroits du monde ? Cette quête de sens prend racine dans une législation française visant à authentifier une sculpture comme étant originale. Lorsque l’œuvre sculpturale est signée et numérotée, dans la limite de huit exemplaires ou quatre épreuves d’artistes, elle est ainsi certifiée comme originale et authentique.

Fascinée par le statut de l’œuvre et ce qu’impliquent ces découvertes autour de cette loi, Victoire Barbot imagine donc de multiples versions de monstration de celle-ci, comme différents formats, à l’image de sa quatrième version de Touchée, coulée en mousse florale (2024), inspirée de l’œuvre de Rodin, aux dimensions monumentales de 600 x 400 cm, à découvrir in situ dans l’espace de Videochroniques.

Dans un autre espace, l’installation immersive Jean(s) invite le visiteur à déambuler dans un champ de blé constitué de soixante-quatorze éléments en équilibre délicat. Chaque « Jean » est composé de tubes en cuivre assemblés, entrelacés d’épis de blé et de cartes à jouer. Avec ces trois mêmes matériaux, l’essence de la sculpture demeure identique mais adopte une forme légèrement différente. Une œuvre empreinte de poésie, qui souligne également le travail autour de la série, de la reproductibilité des matériaux, ainsi que la disparition et le déclin de l’agriculture…

 

Héloïse de Crozet

 

Cendrer ses sculptures de Victoire Barbot : jusqu’au 4/05 à Vidéochroniques (1 place de Lorette, 2e). Rens. : www.videochroniques.org/

Finissage le 3/05 à l’occasion du Printemps de l’Art Contemporain.