L'harmonie d'Ollioules

Retour sur En avant, marche ! par les Ballets C de la B à Châteauvallon

Les spectacles d’Alain Platel font appel aux sens plutôt qu’à une intellectualisation de la danse. En avant, marche !, présenté à Châteauvallon à la fin du mois dernier, est un bel exemple de son désir de diversité et d’ouverture, autant dans son propos que dans le public auquel il s’adresse. Il prend ici le meilleur vecteur d’émotion qui existe, la musique, et sa forme la plus populaire : la fanfare.

 

Alain Platel reforme avec Frank Van Laecke et Steven Prengels le trio gagnant de l’exquis Gardenia, cet extravagant cabaret pour travestis qui connut un vif succès à Avignon puis mondialement. Ils signent un En avant, marche ! sans fausse note, même pas la grippe de son comédien principal Wim Opbrouck. Cet incroyable acteur n’a privé le public que de son air d’opéra, se servant de sa fièvre pour alimenter la crédibilité de son personnage, un tromboniste condamné par un cancer de la bouche qui le réduit à ne plus pouvoir jouer que des cymbales. Platel et Van Laecke se sont inspirés d’un livre de photographies de l’artiste flamand Stephan Vanfleteren, qui rendait hommage aux fanfares, éléments de folklore populaire, indissociables du patrimoine vivant belge. Mais pas que, puisque chaque soir, les quatre acteurs et les sept musiciens sont accompagnés sur scène d’une harmonie ou d’une fanfare locale, en l’occurrence ici de l’harmonie d’Ollioules, La Lyre provençale. Avec quatre morceaux à apprendre au préalable et seulement vingt-quatre heures de répétions pour s’intégrer au spectacle, la Lyre s’en est brillamment sortie. Cette prise de risque, sur laquelle joue Platel, Van Laecke et Prengels, se rapproche au plus près de la recherche de naturalité pratiquée par la grande vague artistique flamande, si ce n’est gantoise, dans la lignée des tg STAN, De Koe, Needcompany…
Steve De Schepper, assistant à la mise en scène auprès d’Alain Platel, a traduit toute la matière textuelle émanant des répétions/improvisations et dans laquelle Platel a puisé pour écrire ses dialogues dans diverses langues et dialectes, pour appuyer son idée que dans la communauté, la différence est une richesse. La devise des Ballets C de la B n’est-elle pas « Cette danse s’inscrit dans le monde, et le monde appartient à tous » ?
En avant, marche ! est un spectacle tout en symboles, ironie et décalage ,qui peut dérouter par l’absence de réelle structure narrative mais aussi emporter par son lyrisme et sa folie. Il alterne des moments de cabaret, d’ivresse festive, avec d’autres plus intimistes où la solitude s’immisce entre les notes pour y attirer le silence. La Marche funèbre de Verdi est belle et triste avec son pas cadencé, semblable au cœur qui bat et peut à tout instant s’arrêter, comme l’amour et la vie.
Les comédiens-danseurs rivalisent d’intensité, qu’il s’agisse d’Hendrik Lebon, lui aussi révélé par Gardenia, hallucinant d’inventivité et de puissance ou, bien sûr, de Wim Opbrouck, touche-à-tout qui voulait s’essayer à la danse et en a fait la demande à Platel. Malgré ses rondeurs, il possède une grâce naturelle, une agilité, une souplesse qui fascinent. On pourra le retrouver dans le film Café Derby de Lenny Van Wesemael, en compétition au prochain Festival international du film d’Aubagne, en espérant pouvoir l’écouter un jour par ici avec son groupe, De Dolfijntjes. Et en attendant le prochain Coup fatal du même Platel, très bientôt par ici…

Marie Anezin

 

En avant, marche ! par les Ballets C de la B était présenté les 26 et 27/02 à Châteauvallon (Ollioules)

A noter, la Lyre provençale sera en concert le 10/04 à Châteauvallon. Rens. : 04 94 22 74 00 / www.chateauvallon.com