Gardenia d’Alain Platel par les Ballets C de la B au Théâtre du Merlan

Gardenia d’Alain Platel par les Ballets C de la B au Théâtre du Merlan

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C.R.A.S.H

En association avec le théâtre du Gymnase, le Merlan programme Gardenia d’Alain Platel et Franck Van Laecke. Sur une idée de la comédienne transsexuelle Vanessa Van Durme, sept travestis sexagénaires dévoilent l’intimité de leur passé et repoussent dans un même élan les frontières de la scène et de la représentation.

On comprend mieux chaque jour l’importance de l’œuvre de Pina Bausch sur les artistes d’aujourd’hui. En abordant la danse par le scénario et le dialogue, elle a donné au corps la possibilité de se défaire des pointes et du demi-pas pour épouser le contour des lèvres, le bonheur d’inhaler une cigarette sur scène, de s’autoriser la présence d’un micro, dévoilant les artifices du show. Alain Platel a su mieux que quiconque s’approprier ce patrimoine pour l’emmener dans l’actualité d’une Belgique divisée par la langue et la pluralité de deux cultures. Dans cette contradiction permanente d’un pays qui s’entredéchire, mais reste une nation une et indivisible, la danse trouve un formidable terrain de jeu. Les corps expriment leurs opinions, ils s’entrechoquent dans le désaccord, ils prennent le devant de la scène pour mieux capter la lumière et dire « je » haut et fort. Gardenia s’inspire clairement du Kontakthoff de Pina Bausch et ose prétendre qu’il est possible de survivre à un chef-d’œuvre et d’en prolonger la force brute pour aller chercher dans les recoins ce qu’il reste à dire. L’enjeu n’est pas de trouver de nouvelles formes de représentation, mais plutôt de coller au plus près des besoins de l’interprète. Le corps n’est plus au service du mouvement, il devient le sujet central du synopsis et bouscule le ronflement de l’histoire pour créer un étirement et une intimité qui nous interpellent. Gardenia, c’est le nom d’une fleur qui ne vit qu’un jour, la métaphore du désir d’une jeunesse qui brûle la vie par les deux bouts dans la peur de mourir demain et qui, à l’orée de la vieillesse, compte ses cicatrices et se demande si elle a suivi le bon chemin. Avec le temps, Alain Platel devient lui aussi un référent pour les jeunes chorégraphes : Peeping Tom, Christophe Haleb… A la manière de la peinture, la danse a depuis longtemps abandonné l’idée du territoire vierge et compris qu’abuser du collage et de la réinterprétation est le meilleur moyen de prolonger une histoire sans fin en zoomant sur le particulier pour y découvrir des merveilles cachées.

Texte : Karim Grand-Baupain
Photo : Luk Monsaert

Gardenia d’Alain Platel par les Ballets C de la B : du 13 au 17/12 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e). Co-programmation : Théâtre du Gymnase.
Rens. 04 91 11 19 30 / www.merlan.org