Prix de peinture Mourlot 2010

Prix de peinture Mourlot 2010

Conversations secrètes

Le prix de peinture Jean Michel Mourlot pour l’édition 2010 vient d’être décerné à l’artiste écossais Ben Readman. Au-delà de la subjectivité et du refus de la galerie Mourlot d’argumenter le choix de cet artiste, l’exposition à la galerie de l’ESBAM, qui regroupe les cinq finalistes, nous interpelle sur les rapports entre abstraction et figuration.

Mourlot-Empathy-BEN_READMAN.jpgIl est toujours agréable de se laisser surprendre par la magie de la lumière, le processus de fabrication, le choc de deux complémentaires. Chez Catherine Serikoff, la plaque d’aluminium révèle le soyeux de deux aplats de couleurs. Les angles saillants évoquent la simplicité d’un module ou d’une perspective cavalière, mais ce qui point, c’est l’éclat du bord à bord, le sentiment de perfection, une plénitude.
Chez Sarah Domenach, le grand format offre à la main la liberté d’une figuration libre, où les échelles sont trompeuses. Le végétal devient un jardin fantastique : à côté d’un potager de sushis, l’homme nu, frêle et petit, n’est plus qu’un élément mineur à l’échelle du cosmos. Un monde inversé se construit dans la vitesse du pinceau et le jeu des couleurs frôle l’univers du peintre Gérard Garouste.
Izabela Kowalczyk installe un dialogue entre le volume et la surface plane (la toile). En reprenant l’idée de la superposition chère à la sérigraphie, l’artiste tente avec le pinceau des jeux de transparence où la tache est maîtrisée dans son contour, créant des variations de pleins et de vides qui dialoguent magnifiquement avec les aplats de Catherine Serikoff. Dans la confrontation des deux artistes, une cohérence s’installe, on aborde l’idée du mouvement, de la tendance. L’art n’est-il pas la rencontre de l’autre ?
Julie Dawid s’affranchit de la surface délimitée pour utiliser le mur de la galerie comme un élément de représentation. L’aplat de l’encre se superpose à l’incertitude du motif gravé et la démultiplication du support et des enchevêtrements offre une vision du tout possible. Les portes grandes ouvertes, l’idée de la fresque reprend son souffle sous de nouveaux horizons et nous dévoile un travail plein de promesses.
Enfin, le travail du lauréat Ben Readman. Sur des petits formats en toile de lin brut, une iconographie pop se révèle dans une peinture figurative variant les effets de représentation : le flou de Gerard Richter sur le visage d’une femme, des taches impressionnistes sur les reflets de l’eau, l’évocation d’une explosion, un iceberg égaré. Entre l’image télé et une photographie sans atout, l’œuvre de Ben Readman pointe l’incertitude du sujet pour mieux regarder l’objet peint. Ce renoncement au spectaculaire est un acte courageux, mais l’absence d’une lumière, d’une hallucination dans l’objet désiré nous interroge sérieusement sur le choix du jury.

Texte : Karim Grandi-Baupain
Photo : Empathy de Ben Readman

Prix de peinture Mourlot 2010 : jusqu’au 25/03 à la Galerie de l’ESBAM (40 rue Montgrand, 6e). Rens. 04 91 33 11 99 / www.esbam.fr