Le Menteur au Théâtre du Gymnase

Le Menteur au Théâtre du Gymnase

Super menteur

Au théâtre du Gymnase, Laurent Pelly, associé à la scénographe Chantal Thomas et entouré par une distribution remarquable, nous propose un remake très actuel du Menteur de Goldoni. Une joyeuse fresque humaine très réussie.

Le-menteur-C-Brigitte-Engue.jpgDécor façon Singing in the rain où les immeubles vénitiens remplacent les buildings yankees, où l’eau ne tombe pas du ciel mais s’écoule aux pieds des comédiens, des planches en guise de ponts et un platelage pour rester au sec, lumière tamisée des lampadaires, costumes chics et chapeau façon gangster, jupe droite serrée et petit haut moulant… Tout porte à croire qu’on frise les années 50. Ici commence le mensonge car en fait de comédie musicale, on est en pleine commedia dell’ arte avec ses incontournables Pantalon, Docteur et autre Arlequin aux gestes emphatiques, aux accents régionaux et aux mimiques singulières. Mais on n’y est pas tout à fait non plus, car quand Goldoni reprend une pièce de Corneille, il y a toute la comédie humaine de Molière. Tout comme il y a l’univers réaliste et onirique de Fellini quand Laurent Pelly met en scène Goldoni. Alors, on nous aurait trompés à la manière de Lelio, le fieffé menteur, le tragique Dom Juan qui pour embellir sa réalité débite comme il respire de spirituelles inventions nées de sa fertile intelligence et de son esprit vif ? Tellement fertile qu’il produit trop et s’enlise dans ses menteries, au point d’en devenir pathétique. Lelio, tu ne mentiras point ! Mais point de morale dans tout cela car les autres personnages ne sont pas brillants non plus, chacun étant touché par le mensonge, la jalousie, l’appât d’une dot… Chacun est risible ou touchant, et finalement, Goldoni revisité par Laurent Pelly et servi par une troupe talentueuse nous livre un constat réaliste de la société. Au 17e siècle à Venise ou chez nous en 2010, si le mensonge peut nous éviter certaines tracasseries ou améliorer le quotidien, on devient l’espace d’un instant de spirituels inventeurs. N’est-ce pas le propre de l’homme ?

Texte : Yves Bouyx
Photo : Brigitte Enguerand

Le Menteur : jusqu’au 28/03 au Théâtre du Gymnase (4 Rue du Théâtre Français, 1er). Rens. 08 20 00 04 22 / www.lestheatres.net