Nathalie Negro © Liliy Sadin

Identité Remarquable | Piano and Co

Touches féminines

 

Très ambitieuse et hyperactive, la compagnie marseillaise Piano and Co convoque tous les moyens possibles vers la réalisation de ses aspirations profondes. Elle est d’ailleurs depuis 2021 la première structure conventionnée dirigée par une femme en région PACA. Cette femme, c’est Nathalie Négro, locomotive féministe d’un train lancé à grande vitesse dans des projets sans frontières. Nous avons fait un tour avec elle des différents wagons qui le composent.

 

 

Auparavant professeure de piano à la Cité de la Musique de Marseille, Nathalie Négro crée sa compagnie Piano and Co en 2003 afin de réaliser ses propres projets artistiques. Malgré un formation classique, ses ambitions se portent d’avantage sur de la création contemporaine autour du piano, à travers des duos ou trios, des croisements avec les musiques traditionnelles ou improvisées, des spectacles pluridisciplinaires. À l’image de ces rencontres des genres, Nathalie imagine en 2013 un spectacle mêlant slam et opéra, avec un cœur de slameuses amateures racontant une héroïne du Printemps Arabe. « Je souhaitais un peu changer le profil de la femme dans l’opéra, qui est toujours victime, qui tue… C’est toujours la cata ! », explique Nathalie, profondément engagée dans une démarche féministe. La compagnie a également porté deux festivals : l’un né en 2009 sur la création au féminin (« C’était un brouillon car ce n’était pas encore un discours répandu ; faute de moyens et d’écoute, celui-ci n’a pas pu perdurer, mais a servi de prémices à ce que je fais maintenant ») et l’autre — Résidences d’Artistes — entre Gap et les Alpilles, ayant pour but de décentraliser la culture.

« Création et transmission sont très importantes et indissociables pour moi », nous dit Nathalie, qui propose depuis toujours des ateliers pour femmes dans les cités, prisons, hôpitaux psychiatriques ou centre thérapeutiques de la ville. Dernièrement, elle proposait un atelier aux femmes victimes de violences en partenariat avec Solidarité Femmes 13. « Il y a un très fort engagement dans la compagnie, pas que féministe mais surtout citoyen, de démocratisation de la musique contemporaine et de sortir des lieux repérés de concerts…

Mon but profond est bien sûr toujours de porter des créations et des concerts. » Ainsi, la compagnie a travaillé avec nombre d’artistes locaux tels que la Compagnie Rassegna, Françoise Atlan, Claude Tchamitchian ou Fred Nevché

En 2018, Nathalie Négro initie Europe in C, un projet européen avec des pays partenaires autour de la musique répétitive, courant qui lui tient à cœur. Un documentaire sur ce dernier a été réalisé par Anne Alix. « À l’époque, j’avais imaginé toute une scénographie aux Rotatives, ancienne presse de la Marseillaise, réunissant une cinquantaine de musiciens éparpillés parmi les machines, offrant une immersion totale au public. Une très belle aventure musicale et humaine ! »

Forte de cette expérience réussie, la compagnie imagine un nouveau projet européen cette année autour des femmes compositrices, Musical Bounce Back. « Je me suis rendu compte en tant qu’interprète qu’il était difficile de trouver des répertoires de compositrices. » L’idée première est donc la sensibilisation de la place de la femme en musique au sein des établissements d’enseignement musical, et de se questionner sur la façon de permettre aux jeunes d’avoir un modèle féminin. « En cours de musique, sur les frises chronologiques, il n’y a que des compositeurs masculins. C’est parlant et révélateur… On essaye de casser les stéréotypes autour des instruments genrés, pour favoriser par exemple la pratique de la trompette ou du trombone chez les jeunes filles. C’est un projet féministe, mais on travaille aussi bien sûr avec des garçons, professeurs comme élèves. » Pour que le contact au sujet soit direct pour les participants, Nathalie Négro a fait une commande à la compositrice Ève Risser, entre jazz et contemporain.

Après une première session marseillaise au printemps dernier, le projet part désormais en Arménie avant que de s’exporter en Grèce, à Chypre et au Portugal afin de créer un kit pédagogique, un mode d’emploi pour sensibiliser, « prendre le mal à la racine. (…) Il y a des quotas, des chiffres et des lois, mais in situ, les choses n’évoluent pas vraiment ! » En tout, le projet réunit cinq musiciens de chaque pays autour d’ateliers de pratique instrumentale et de découverte du « matrimoine musical » autour du travail de compositrices.

La compagnie s’est équipée d’un système qui permet de jouer à distance sans temps de latence — LoLa (comprenez Low Latency) —, qui permet donc des répétitions en simultané depuis les différents pays participants. Anne Alix réalisera de nouveau un film sur le projet.

Cet automne, la compagnie propose les rendez-vous En Ap[p]arté — qui, comme leur nom l’indique, invitent le public à domicile, chez des particuliers, à découvrir tour à tour une jeune accordéoniste puis une luthière, dans le but de faire découvrir différents métiers vus par le prisme des femmes.

Ce début de saison sera également marqué par le deuxième volet des Carnets Intimes. Après une première discussion en tête à tête entre Nathalie Négro et Macha Makeïeff en mars dernier, la directrice de la compagnie poursuit sa mise en lumière des femmes de la culture en recevant la nouvelle directrice du FRAC : Muriel Enjalran. La questionnant sur les musiques qui ont jalonné sa vie, cet entretien est préparé à l’avance puis arrangé sur scène avec deux musiciens qui jouent la « playlist » de l’invité.

 

Lucie Ponthieux Bertram

 

Rens. : https://pianoandco.fr/