Soleil Ô de Med Hondo

Hommage à Med Hondo

Lumière noire

 

Les équipes d’Aflam et du Videodrome 2 nous proposent, du 14 au 17 octobre, une rétrospective de toute beauté, à ne manquer sous aucun prétexte : l’hommage au grand cinéaste Med Hondo nous offrira l’occasion de découvrir une œuvre majeure, et la voix d’un anticolonialiste radical luttant contre les vainqueurs de l’historiographie.

 

 

La phrase d’Howard Zinn résonne encore et toujours à nos oreilles : « Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’histoire sera racontée par les chasseurs. » Et c’est très largement à la carrière de Med Hondo qu’elle peut aujourd’hui s’appliquer. De ce cinéaste français d’origine mauritanienne, disparu en 2019, les nécrologies déroulées dans les mass médias n’ont retenu qu’une voix, celle d’Eddy Murphy et de l’âne de Shrek dans leurs versions françaises. Sans honte bue, ces nombreux articles ont allègrement glissé sur l’autre voix de cet artiste immense, celle d’un homme libre, engagé, brillant, pourfendeur d’un colonialisme abject, et qui a fait sienne une certaine idée de produire ses films, dans la lignée d’un geste libéré du système. Med Hondo a traversé Marseille, où il débarqua un temps, exerçant parmi d’autres métiers celui de docker. Son premier film, en 1970, Soleil Ô dénonçait déjà les conditions de vie des travailleurs immigrés africains en France. Une œuvre fondatrice, qui posait les premières pierres d’un engagement total. Le travail cinématographique de Med Hondo ne bénéficiera jamais de la même lumière qui traversera ses films, d’une exposition publique à la hauteur de son talent.

Et c’est aujourd’hui une bien formidable nouvelle de découvrir qu’Aflam et le Videodrome 2 s’associent dans la cité phocéenne, à la salle du cours Julien et au Mucem, pour un hommage inespéré au cinéaste ! Outre l’opus suscité, à découvrir sans réserve, et présenté par Catherine Ruelle, les œuvres présentées participent à décoloniser l’imaginaire et trouvent aujourd’hui encore une forte résonnance au sein d’une actualité peu reluisante : de Mes voisins, de 1973, à Watani, un monde sans mal, en passant par West Indies ou les nègres marrons de la liberté, adapté de la pièce Les Négriers de Daniel Boukman, sur la vie du peuple antillais du XVIIe siècle à nos jours, Sarraounia et Les Bicots-nègres, vos voisins, Med Hondo tissa au fil des films une histoire de l’oppression collective dans laquelle la France conserve le rôle principal.

Outre la découverte des œuvres de ce cinéaste immense, les organisatrices de ce cycle ont eu l’intelligence d’y associer les films faisant écho au travail même de Med Hondo, avec la diffusion, entre autres, des sublimes La Noire de… d’Ousmane Sembene, de Hyènes de Djibril Diop Mambéty, récemment sorti en salles dans une superbe copie restaurée, et adaptation africaine de l’incroyable pièce de Dürrenmatt, La Visite de la vieille dame.

Sans oublier en point d’orgue de ce savoureux programme la carte blanche à la Cinémathèque de Tanger, un regard sur les archives de Med Hondo ou la table ronde proposée au Videodrome 2 le samedi 16 à 14h.

Il en va ainsi des gestes brillants du travail de programmation, propres à rendre justice aux oubliés de l’histoire, et rendre étymologiquement exceptionnel la rencontre autour de films hors du commun.

 

Emmanuel Vigne

 

Hommage à Med Hondo : du 14 au 17/10 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e) et au Mucem (Esplanade du J4, 2e).

Rens. : www.aflam.fr/hommage-a-med-hondo/

Le programme complet de l’hommage à Med Hondo ici