Edito n° 190

Edito n° 190

2/05/2007. Il est tentant de rappeler la situation, ne serait-ce que pour avoir bonne conscience avant de quitter le pays. Et pourquoi pas, convaincre quelques électeurs…

Leçon de chose publique

2/05/2007. Il est tentant de rappeler la situation, ne serait-ce que pour avoir bonne conscience avant de quitter le pays. Et pourquoi pas, convaincre quelques électeurs.

Fils de noble immigré juif hongrois élevé dans le riche 17e, Nicolas Sarkozy s’entoure très jeune de la crème des notables locaux. Ne tenant pas compte de ses capacités intellectuelles limitées (échec scolaire global), ses amis d’adolescence, principaux rapaces d’une région en pleine construction, l’Ile de France, l’acceptent pour son enthousiasme. Au cœur d’un système mafieux conditionnant tout marché public à une rétribution, ils arrosent les copains et s’attribuent les appels d’offre. A force d’intrigues, Sarko prend la suite de Pasqua à Neuilly puis aux commandes des Hauts-de-Seine, siège social de la France internationale et secrète où se décident les massacres qui permettront d’obtenir un maximum des pays sous-développés. Dans ce département minuscule vont se rassembler toutes les entreprises liées par la grande loge nationale de France aux relations avec l’Afrique et l’Asie : armes, pétrole, uranium, héroïne, béton, TV, casino et blanchiment. Parallèlement à cette histoire al-caponesque du RPR, l’homme va canaliser toute sa frustration dans une ambition sans foi ni loi. De ce parcours de vingt-cinq ans, malgré son manque de cohérence politique, on peut isoler quelques traits permanents et deviner ses desseins, non dissimulés. Contrairement à son image de marque tapagée à grands renforts de conseillers, sa caractéristique première n’est pas le flic raciste. Cet aspect électoral vient bien après sa situation d’ami complexé des riches familles de patrons français. Pour eux, il fera tout. Jungle financière, élimination d’acquis sociaux, réduction d’impôt, liquidation du service public, passe-droit commerciaux et braderie du bien public : rien ne sera trop beau pour les empires du 92. S’il ne reste que cinq ans, il veut être celui qui les aura gavés. Quelles que soient les conséquences nationales. La communication officielle sera évidemment basée sur la liberté, le dynamisme, l’effort… Aznar, Bush, Berlusconi. S’il faut engager la France dans des guerres (génératrices d’énormes profits), TF1 se chargera des justifications et de la couverture. Les réseaux d’affluences tendus entre Washington et Jérusalem (ses principaux voyages depuis trois ans) attendent d’ailleurs avec impatience sa participation au sein de l’Europe. Alors seulement, s’il faut assurer le calme dans le rang de Français qui vont vite se plaindre, le premier flic de France se fera un bonheur de mater tout ça. Pour cela, il s’appuiera évidemment, comme par le passé, sur ses réseaux : l’ensemble des médias, les renseignements généraux, le fisc… Une personne non-initiée qui débarquerait dans cet article pourrait être surprise par son aspect manichéen. La faute en revient certainement à la presse qui, suite à un bras de fer avec le monsieur, s’est écrasée au lieu de (contre) balancer. Il faut dire qu’il sait convaincre, à l’ancienne : en dix-huit mois, il a terrorisé la totalité de la place parisienne. Ainsi, il nomme et fait virer les journalistes, les directeurs de presse, poursuit toute personne osant une réserve et monte une enquête fiscale sur un rival s’il est au budget. Même si celui-ci est ministre. Dans son équipe aussi, le colérique personnage a réussi à installer une situation qui lui permet d’éviter toute question qui ne soit pas préparée. Pour arriver à ses fins, il a rassemblé plusieurs centaines de jeunes loups, quadras affamés, ayant pour mission de mettre la pression : omniprésence sur le terrain, harcèlement, incitations financières et menaces de carrières en berne ont suffi à rendre uniforme et favorable un univers potentiellement irrévérencieux. Ce climat est à l’image de ses interventions publiques télévisées : il n’a plus d’interlocuteurs. Il s’est même permis de refuser les invitations à rencontrer les autres candidats et d’éviter ainsi d’avoir à répondre sur tout ce qui précède : sa gestion calamiteuse des finances publiques entre 93 et 95 et entre 2002 et 2005, son administration illégale de ses obligations sociales à Neuilly (dix fois moins de logement sociaux que la loi l’impose), ses déclarations lors de voyages aux Etats-unis (pro-guerre en Irak, reniant son pays), sa situation patrimoniale, la justification de ses budgets prévisionnels reconnus irréalisables par tous même… Face à la crainte, partagée par la presse internationale, d’une dérive dictatoriale et d’un hold-up organisé de la maison France, il reste camouflé derrière des meetings hagiographiques en se protégeant télévisuellement avec Xavier Bertrand ou Rachida Dati, ridicules pantins droitiers n’ayant pu répondre que « Ne soyez pas sectaires » et « Respectez les Français » lors de la soirée électorale. Coutumes obligent, il va quand même débattre ce soir avec Ségolène Royal. Parce qu’on a oublié un détail : Ségolène Royal, et plus largement la gauche dont elle est l’image.
Car si la France se dote d’un tel personnage anti-social dont la totalité des médias internationaux — et nationaux, « en off » — s’accordent à dire « Attention danger ! », les responsabilités se trouvent à gauche. En effet, que le tiers aisé et sans empathie d’un pays riche et traditionnellement bourgeois veuille d’un libéral américain qui mette le reste du pays à genoux pour les exciter est plutôt normal. Mais la santé démocratique du pays repose sur les deux autres tiers. Sa jeunesse, ses travailleurs, ses intellectuels, ses professeurs, ses anciens… Et là… Y a personne. Il n’existe pas, et c’est historique, un seul parti démocratique populaire de gauche en France. Le PCF soviétique, le PT de Lambert, la LCR de Krivine, la L.O. de Hardy (noms ou pseudos des personnes qui sont derrière ces partis) sont tous des crypto-machins secrets en proie à des fonctionnements internes troubles, justifiés par leur vieille raison d’être : la révolution. En attendant, ils se présentent aux élections présidentielles (!!!) et leur seule revendication est toujours uniquement syndicale : plus d’argent pour les salariés (qui représentent moins d’un cinquième de la population). Certainement pour qu’ils puissent acheter plus de choses en inflation. Le PS, pour finir, est la honte française. En quatre-vingt-dix ans, il n’a jamais eu un seul ancrage populaire, aucun lien avec un syndicat. Appareil de carrière pour énarques parisiens ayant mouillé dans toutes les combines pré-installées, il passe pourtant, depuis la boursouflée SFIO colonialiste des années 50, pour un parti de progrès social. Cette opposition n’a jamais mis au point qu’une politique de subventions déséquilibrantes (PAC) ou d’assistanat anti-dynamique qui ne répondent jamais à la question : « Comment faire pour organiser une vie meilleure avec des humains indépendants ? ». Dans l’ensemble, ses propositions sont un livre d’histoire soviétique n’encourageant que le salariat à vie, la théorie criminelle de la croissance et du plein emploi et un appareil administratif et fiscal empêchant toute activité économique individuelle. Surtout, l’absence de résonance autour de la paranoïa communautaire dans les banlieues — celui qui en parle est un facho — laisse orphelins ceux qui y habitent alors que le tabou autour de la création de valeur ignore bizarrement la population active.
Cependant, il est une différence. Bien que Ségo ne soit qu’un VRP lifté, bien qu’on puisse mettre en doute le discernement avec lequel elle appliquera son pacte présidentiel, son engagement au pacte écologique ou sa réforme de la cinquième République, même si l’on peut douter de ses convictions, il reste un choix : blanc ou noir. Aussi, je connais le patrimoine de Ségo et je peux la critiquer, comme l’ont fait de nombreux journalistes et de nombreux socialistes depuis un an sans avoir peur. Sarko, non. Alors sachant que les médias, l’état-major, les vendeurs d’armes, de pétrole, les possesseurs d’autoroutes, de l’eau, de l’électricité et des supermarchés ont déjà le pouvoir, tout le pouvoir, et qu’il s’étend chaque jour un peu plus, il est important de ne pas leur céder, en sus, la légitimité. Car la crainte de perdre à jamais la possibilité de décider de notre avenir semble partagée par de nombreux observateurs éclairés.

Emmanuel Germond