Edito n° 181

Edito n° 181

Si la rédaction ne s’est jamais vraiment illustrée dans le pronostic footballistique (loin s’en faut), elle peut se targuer d’être à l’avant-garde de la prédiction cinématographique. Dans notre bilan 2006, nous vous annoncions ainsi… (lire la suite)

Rendons à Ventilo ce qui appartient aux César

Si la rédaction ne s’est jamais vraiment illustrée dans le pronostic footballistique (loin s’en faut), elle peut se targuer d’être à l’avant-garde de la prédiction cinématographique. Dans notre bilan 2006, nous vous annoncions ainsi, deux mois avant tout le monde, quels allaient être les heureux lauréats des César et des Oscars[1]Lady Chatterlay de Pascale Ferran et Les infiltrés de Martin Scorsese ayant été les favoris de la rédaction dans une année 2006 relativement pauvre cinématographiquement parlant. Particulièrement au diapason avec notre rédaction, la cérémonie yankee a par ailleurs récompensé Forrest Whitaker, seule lueur d’un dernier roi d’Ecosse bien pâle, ainsi que La vie des autres, qui confirme le renouveau du cinéma allemand. Surtout, le grand Marty est enfin reparti avec la fameuse statuette dorée récompensant son génie de metteur en scène — Cène ? (tant son dernier film regorge de sublimes traîtres). Quant au sympathique Little Miss Sunshine, notre coup de cœur de septembre dernier, il a fort logiquement hérité du prix du meilleur scénario, quand les professionnels français de la profession le consacraient « meilleur film étranger » (au détriment des Infiltrés, même pas cité…). Les César, justement, parlons-en. Si nous ne dirons jamais assez combien nous avons été touchés par le sacre de Lady Chatterley et le couronnement de Marina Hands (superbe reine d’un soir), on ne dira jamais assez combien nous avons été choqués par l’avènement de Guillaume Canet en tant que réalisateur et sa créature moustachue et mal coiffée, François Cluzet [2], dont on ne dira jamais assez que le dernier film potable remonte à treize ans (ça porte malheur), L’enfer de Claude Chabrol (et en l’occurrence, l’enfer, c’était lui samedi soir). Ou comment récompenser n’importe quel scénario mis en scène n’importe comment et joué par n’importe qui. Comment et pourquoi n’avoir pas récompensé les trublions Alain Chabat (Prête moi ta main) ou Jean Dujardin, impayable dans OSS 117 ? Sans préjuger de la localisation exacte du balai dans les coulisses du théâtre du Châtelet, on se doute que ce n’est pas demain la veille que les César se dérideront. En témoigne les facéties de Valérie Lemercier que seules quatre personnes dans la salle ont semblé apprécier à leur juste valeur (ajoutée). Le salut de cette décidément poussiéreuse cérémonie (pourtant déjà bien reliftée par Canal depuis dix ans) viendrait-il des seconds rôles ? Assurément, au regard de la prestation des deux lauréats (qui, curieusement, ne viennent pas de « la grande famille du cinéma »), à savoir celle de la maîtresse de cérémonie et celle, non moins absurde, de Kad Merrad, qui pense qu’« il peut voler et toucher le ciel », récompensé pour le pourtant médiocre Je vais bien ne t’en fais pas. Un film-phare, s’il en est, de l’épidémique mode du titre « pragmatique » con-con à rallonge, aux côtés de Pars vite et reviens tard et autres Je vous trouve très beau (le film de l’inchjupportable Ichjabelle Mergault qu’on trouve très laid). Bientôt dans les salles : Ferme la porte à clé, Pense à ramener du pain (et sa suite, Pense à sortir le chien), T’as pris le courrier ?, Mardi, j’ai piscine et Y’a plus de saison, ma petite dame. Enfin, dernière incongruité d’une cérémonie qui n’en a pourtant pas manquée, les fameux César d’honneur, attribués cette année « pour l’ensemble de leur œuvre » à l’improbable duo Marlène Jobert (qui ne s’est pas retrouvée devant une caméra depuis…) / Jude Law (du haut de ses trente-quatre ans). Notre suggestion pour l’an prochain, en espérant que cela pousse le bonhomme à prendre sa retraite dans la foulée : le Bébel contemporain, nous avons nommé Clovis Cornillac, pour une œuvre déjà riche de 103 films en quinze mois à peine.

Texte : CC/HS

Notes

[1] Par ailleurs, la rédaction n’a chroniqué aucun film en course pour les Gérard : http://www.lesgerard.net

[2] Chaudement congratulé par une Sabine Azéma manifestement en plein tournage d’un biopic sur Yvette Horner