Claude McKay, de Harlem à Marseille

Documentaire de Matthieu Verdeil (France - 2021 - 1h20). Dans le cadre de l'évènement "McKay, 100 ans après"

Ce film est un voyage dans les années 20, de Marseille à Harlem, en passant par la Jamaïque, la Russie et le Maroc, sur les traces de l’écrivain jamaïcain-américain Claude McKay.

Figure rebelle de la Harlem Renaissance, cet auteur inclassable vagabonde pendant plus de 10 ans en Europe, fréquentant les avant-gardes artistiques et politiques, et devient un précurseur de la littérature et de la cause noire.

 

Le film, littéraire, visuel et musical, met en résonance les mots de Claude McKay, le jazz, les images des artistes de l’époque (cinéma, photo, peinture, affiches…) et les images d’archives documentaires, pour recréer les décors et les ambiances des romans.

 

 

https://www.journalventilo.fr/chronique-claude-mckay-de-harlem-a-marseille-de-matthieu-verdeil/

 

Le voyage commence à Marseille, avec le roman Banjo, qui raconte la vie d’une bande de vagabonds noirs qui jouent du jazz, palabrent et  prennent la vie comme elle vient. Le film décrit le grand port international et l’ambiance musicale, festive et sulfureuse de ce « Quartier réservé » alors mondialement célèbre pour les marins et les artistes. C’est un document rare et précieux, qui évoque ce vieux Marseille aujourd’hui disparu après son dynamitage par les allemands.

 

Grâce à son autobiographie A Long way from home, nous découvrons qui est l’auteur derrière les mots du roman, puis nous suivons l’itinéraire de ce grand voyageur depuis sa Jamaïque natale et ses débuts aux États-Unis, où il se fait remarquer en 1919 avec son célèbre poème If we must die. Puis il entame un périple de plus de 10 ans en Europe, de Londres à Moscou, Berlin, Paris, Barcelone et jusqu’au Maroc. Marseille est une étape importante, qui servira également de cadre à l’inédit Romance in Marseille, publié en 2020 aux Etats Unis, et cette année en France, par l’éditeur marseillais Héliotropismes.

 

New York, point de départ et d’arrivée de ce long vagabondage, nous est décrite à travers son roman Home to Harlem. Cette Mecque du Nouveau Nègre nous permet de mettre en lumière la Harlem Renaissance à laquelle il contribue, et qui sera un déclencheur de la lutte pour les droits civiques. L’œuvre de McKay, résolument moderne, participe à l’éveil de la conscience noire et inspire le mouvement de la négritude. Ses réflexions résonnent avec l’actualité, les questions qu’il soulevait il y a un siècle se posent encore aujourd’hui.

Musée d'Histoire de Marseille
Le vendredi 1 décembre 2023 à 19h
Entrée libre
https://www.mckay100ans.com/
Square Belsunce
2 rue Henri Barbusse
13001 Marseille
04 91 90 42 22

Article paru le mercredi 28 septembre 2022 dans Ventilo n° 469

Chronique | Claude McKay, de Harlem à Marseille de Matthieu Verdeil

Harlem Renaissance

 

Cela fait bientôt un an que ce film de Matthieu Verdeil Claude McKay, de Harlem à Marseille est projeté dans quelques salles d’art et d’essai de la région marseillaise. Consacré à la mémoire de l’écrivain et poète d’origine jamaïcaine, ce documentaire dévoile aussi des pans essentiels de la culture phocéenne contemporaine.

    Le film ne pouvait que prendre une forme artistique, ne serait-ce que par respect pour l’œuvre littéraire et poétique de son sujet. Ainsi de l’usage pertinent de fondus-enchaînés entre les textes en anglais et les performances musicales live, permettant notamment à la lecture du blues archaïque Shake That Thing de prendre vie, en même temps que les mots de l’auteur, sur un fond de live du spectacle «Zou Shake That Thing que Moussu T & Lei Jovents donnèrent avec la performeuse américaine Arlee Leonard en 2012. Ainsi également du séquençage clipesque de la lecture d’un poème sur fond d’images de la Harlem Renaissance, ce mouvement artistique d’émergence d’une culture afro-américaine émancipée dont McKay fut l’un des chantres au début des années 1920. L’usage du split-screen est également le bienvenu, permettant d’établir un parallèle entre la musique originale composée par le « Big Hop Swing & Friends », permettant d’apercevoir quelques musiciens de jazz les plus en vue de la place de Marseille (mention spéciale à Lamine Diagne, qui, en plus d’être un redoutable saxophoniste et flûtiste, est aussi un lecteur d’exception de l’œuvre de McKay), en même temps que des plans d’archive de la ville où l’auteur composa l’immense roman Banjo et le très émouvant Romance in Marseille — récemment publié en français chez Héliotropismes, grâce aux bons soins notamment d’Armando Coxe, inlassable découvreur de l’œuvre du romancier et poète. Par tous ces procédés, le réalisateur évite justement l’écueil d’une patrimonialisation à outrance de cette dernière, la rendant plus accessible que jamais, par une approche sensible à souhait. On ne peut évidemment guère séparer la forme du fond. Et c’était là une gageure pour Matthieu Verdeil, dont le domaine de prédilection filmique est le secteur artistique et culturel — il travaille notamment avec l’artiste performeur Abraham Poincheval. Comment mettre à l’écran une œuvre et une vie aussi foisonnantes que celle de Claude McKay ? Le réalisateur explore les ressorts de la créativité de ce dernier à l’aune des pans de sa biographie. Le séjour à Marseille, évidemment, occupe une place non-négligeable dans ce documentaire, avec, bien sûr, des extraits de films (Marius de Pagnol évidemment mais aussi Justin de Marseille de Maurice Tourneur), mais également des gros plans sur quelques tableaux iconiques (Marseille vue de l’Estaque par Cézanne pour illustrer les baignades de Mc Kay !), ou encore des photos du prolétariat de la ville au travail sur les docks ou en goguette à la Joliette. Le tout sur fond de lecture et de rappels du contexte par des experts en littérature caribéenne (Hélène Lee, grande experte du reggae également) ou plus généralement afro-américaine, voire jazz (« Claude McKay, c’est celui qui nous permet d’affirmer que Marseille c’est la ville jazz par excellence », déclare Raphaël Imbert). Bien évidemment, la portée politique de la vie et de l’œuvre du romancier et poète n’est pas ignorée. De sa jeunesse jamaïcaine où il décide de devenir une voix des sans-voix pour le prolétariat insulaire, à sa vie à New York où il n’a de cesse de pourfendre le racisme (à travers le poème If We Must Die, consacré aux émeutes de 1919, au cours de laquelle des centaines de noirs furent assassinés lorsque, suite à la Première Guerre mondiale, ils réclamaient l’égalité des droits après avoir été en première ligne lors de la grande boucherie européenne), en passant par son séjour en Union Soviétique naissante (il fut véritablement une icône black pour les bolchéviks), jusqu’à sa dénonciation littéraire du racisme français vis-à-vis des noirs issus des colonies… sans ignorer sa liberté sexuelle assumée. Des propos somme toute très actuels, qui résonnent encore quand les migrants sont stigmatisés par les tenants de l’idéologie nauséabonde du « grand remplacement » (qui fait des ravages en Europe), ou quand les droits des femmes et des personnes LGBTQ font l’objet de trop de rejets… Ce film nous montre bien que l’œuvre de Claude McKay est une œuvre de combat pour l’émancipation du genre humain.  

Laurent Dussutour

 

Claude McKay, de Harlem à Marseille de Matthieu Verdeil : le 7/10 au cinéma Le Gyptis (136 rue Loubon, 3e), en présence du réalisateur.

Rens. : https://cinemalegyptis.org