Une Histoire populaire de la France, T1 – De l’État royal à la Commune : adaptation en BD par Lisa Lugrin, Clément Xavier et Alain Gaston Rémy

Une Histoire populaire de la France, T1 – De l’État royal à la Commune : adaptation en BD par Lisa Lugrin, Clément Xavier et Alain Gaston Rémy

Dessins croisés

 

Le couple d’auteurs installés à Marseille Lisa Lugrin et Clément Xavier, épaulé par le jeune Alain Gaston Rémy au dessin, adapte en deux tomes l’ouvrage de l’historien Gérard Noiriel Une histoire populaire de la France dans une BD à la fois documentée et très drôle.

 

 

En s’inspirant d’Une histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn, Gérard Noiriel, « Historien spécialiste de l’immigration et du monde ouvrier issu d’un milieu modeste » comme il est présenté par un des personnages de la BD, a établi une imposante histoire de France vue à travers celle des classes populaires, ces « quantités négligeables » comme on les nommait dès l’Ancien Régime.

À travers l’histoire d’un père et de sa fille qui vont assister à une « conférence gesticulée » de l’historien, ce premier tome présente l’histoire de France, des débuts du peuplement du territoire français, carrefour entre Atlantique et Méditerranée, jusqu’à la Commune de Paris en 1871, en passant par l’instauration d’un État royal centralisé, l’esclavage, la Révolution française et, bien sûr, de nombreux autres soulèvements populaires (les Jacqueries médiévales ou les Canuts à Lyon) qui dessinent en filigrane une autre histoire de la France.

Conséquences de nombreux dysfonctionnements, que ce soient la hausse des impôts, la conscription militaire ou les conditions de travail d’une classe ouvrière naissante, ces révoltes ont reçu comme réponse des classes dominantes, outre des manipulations électorales ou le fameux « diviser pour mieux régner », des répressions policières ou militaires souvent sanglantes.

Cette (re)lecture salutaire de l’histoire de France n’est pas sans faire écho à ce qui peut se passer de nos jours, ce que les auteurs de la BD ne manquent pas d’évoquer, comme avec la mise en scène d’une manifestation de Gilets jaunes.

Gérard Noiriel opère également un décalage par rapport à certains discours officiels, brossant notamment des portraits au vitriol de grands personnages. A l’instar de Napoléon, qui en prend pour son grade. Abolition du système électoral, rétablissement de l’esclavage, guerres à répétition avec un million de morts en trente ans : le bilan est accablant !

 

« Une image vaut mille mots ! »

Comme avec les « conférences gesticulées » de Gérard Noiriel, spectacles d’éducation populaire, la bande dessinée semblait un moyen tout trouvé pour rendre compte au plus grand nombre des écrits de l’historien. Déjà habitués aux récits historiques à visée sociale comme avec leur ouvrage Jujitsuffragettes sur les mouvements d’auto-défense féministes à Londres au début du XXe siècle, Lisa Lugrin et Clément Xavier se sont emparés du travail de l’historien pour en faire une BD captivante et drôle, qui comptera deux volumes.

Car si tout est abondamment documenté, le dessin et la mise en scène amènent beaucoup d’humour, tout comme la personnification de figures célèbres ou anonymes, qui permet de faire passer des idées plus efficacement. Avec Alain Gaston Rémy au dessin, les scénaristes ont ainsi choisi de mettre en scène Gérard Noiriel dans une de ses représentations publiques, mais aussi des personnages historiques comme Louise Michel, figure de la Commune de Paris, qui fait irruption pendant cette conférence.

Cette lecture enthousiasmante révèle à ceux qui ne seraient pas encore convaincus tout le potentiel du Neuvième art. D’autant plus que le deuxième tome, annoncé dans la BD par Gérard Noiriel lui-même, traitera essentiellement du XXe siècle, soit des événements qui devraient encore plus directement faire écho à notre monde actuel.

 

JP Soares

 

 

Dans les bacs : Une Histoire populaire de la France, T1 – De l’État royal à la Commune : adaptation en BD du livre de Gérard Noiriel par Lisa Lugrin, Clément Xavier et Alain Gaston Rémy (éditions Delcourt)

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