Tour de scène - Hot 8 Brass Band & Samenakoa

Tour de scène – Hot 8 Brass Band & Samenakoa

La visite de la fanfare

L’exceptionnelle présence du Hot 8 Brass Band au Cabaret Aléatoire pour la « James Brown Night » donne l’opportunité de revenir sur un phénomène musical trop caricaturé : les marching bands.

hot-8-brass-band.jpgDébut 19e, Nouvelle Orléans : Bonaparte vend la Louisiane aux yankees. Quelques soldats français envoyés là-bas pour faire monter les enchères et rétablir l’esclavage aboli par la Convention, le bec en l’air, mettent leurs instruments au clou – et en particulier grosses caisses, caisses claires, cymbales, cors, cornets, trombones… Quelques créoles (métis en haut de la hiérarchie servile) se les approprient. Certains esclaves noirs de Louisiane se saisissent des canons de la musique coloniale comme autant d’échappatoires aux plantations. Dans la capitale louisianaise, les polyrythmies d’origine ashanti refleurissent à Congo Square, seul espace des Etats-Unis esclavagistes où sont autorisés les rassemblements musicaux et spirituels des esclaves. A la fin de la guerre de sécession, ce sont les confédérés démobilisés qui vendent leurs instruments. Dès lors, les processions se font de plus en plus cuivrées et africanisantes. Louis Armstrong lui-même commencera dans ces marching bands qui jouent pour naissances, mariages, enterrements, baptêmes et autres carnavals, entre tradition vaudou et rituels chrétiens. L’origine impérialiste de cette musique de fanfare est largement démilitarisée par les parias qui s’en emparent. Loin de n’être qu’un cliché pour touristes en quête d’authenticité jazz dans le quartier français de la Nouvelle Orléans, le phénomène des marching bands est bien une tradition en mouvement. Gageons qu’en août dernier, les gars du Hot 8 Brass Band se sont retrouvés dans les cortèges de manifestants anti-Bush lors de sa venue à la Nouvelle Orléans, pour lui signifier leur colère face à son dédain pour les ravages occasionnés par l’ouragan Katrina… A côté de Young Blood Brass Band, Soul Rebels et autres Dirty Dozen Brass Band, l’album éponyme du Hot 8 Brass Band résonne d’hymnes à la joyeuse combativité de ceux que l’on veut toujours condamner à l’indignité dans la violence quotidienne. Aux sources du jazz, de la soul et du hip hop, les marching bands sont une manifestation des espoirs nés des polyphonies du changement que lèguent à la planète les descendants d’esclaves américains. A Marseille même, la fanfare Samenakoa a bien capté cet héritage, l’intégrant dans le contexte méditerranéen en intitulant son superbe nouvel album Souk, tout simplement.

Laurent DUSSUTOUR

Hot 8 Brass Band, le 15 au Cabaret Aléatoire, 22h
Samenakoa, le 15 à la Machine à Coudre, 22h