Le 7 avril dernier, Luciano prenait les platines du Spartacus à l’invitation du collectif The Beez, qui réalisait un gros coup en programmant l’un des dj’s les plus courus sur la planète. Club blindé, ambiance au diapason : après le live de Thomas Melchior, l’un de ses poulains, le Suisse aux racines chiliennes et à la gueule d’ange faisait monter la pression d’un cran, lentement, implacablement, ne jouant que des tracks pointus à la lisière de la house et de la techno, comme habité par une sidérante science du rythme et de sa progression, loin des canons de la « minimale » auxquels il est naturellement affilié (il préfère qualifier sa musique de « deep ») via ses connections avec Villalobos, Dandy Jack ou Loco Dice… Totalement scotchant. On ne va pas vous faire le portrait du bonhomme, c’est déjà fait (voir Ventilo #186). Mais plutôt s’intéresser à son label, puisque l’intéressé, ravi de l’accueil qui lui a été fourni, reviendra régulièrement défendre ses couleurs ici avec ses signatures : quand on sait que ses résidences prennent place dans des clubs aussi prisés que le Panorama Bar (Berlin), le DC10 (Ibiza) ou le Loft (Lausanne), on ne peut que s’en réjouir… Cadenza est né il y a cinq ans un peu par hasard, alors que Luciano souhaitait simplement sortir un maxi. Sauf que le maxi en question, c’est Orange mistake, une bombe qui va définir le cahier des charges de la maison : polyrythmies et micro-sons à tous les étages, titres avoisinant les dix minutes, collaborations « en famille » (Quenum co-signe cette première référence). Ce succès initial encourage Luciano à développer son label, s’entourant progressivement d’artistes qu’il souhaite travailler sur la durée : la première vague est essentiellement basée en Suisse (Lee Van Dowski, Serafin, Digitaline…), puis ses voyages lui permettent de découvrir des Chiliens (Pier Bucci, Alejandro Vivanco) et plus récemment des Roumains (Petre Inspirescu, Rhadoo). Tous ont en commun une couleur, de la « minimale » par défaut puisque fourmillant de détails qui lui donnent une réelle dimension organique – illustrée graphiquement par les pochettes que réalise la sœur de Luciano, à la croisée du végétal et du numérique… Pour vous faire une idée plus précise de la chose, procurez-vous illico presto la première compilation du label[1], qui vient tout juste de sortir et qui démarre sur un titre d’Argenis Brito, également à l’affiche samedi soir (et en live). Comme Luciano, avec qui il partage le projet Monne Automne, ce Vénézuelien se sert à bon escient de ses racines latines, loin du cliché exotique, pour donner du corps et de la chaleur à une musique pêchant trop souvent par sa rigueur (ses collaborations avec Jay Haze ou Senor Coconut en attestent). Avec de tels chirurgiens de la matière sonore – et une vision qui en découle (la nouvelle série Split composition, ou l’art du « tool » poussé à l’extrême), Cadenza est bien parti pour compter parmi les labels de la décennie. Pas moins.