Sur la voie Ferré

Sur la voie Ferré

A priori, un festival de “chanson francaise” a tout pour nous faire fuir. Comme l’ont illustré les dernières Victoires de la Musique, le genre est prétexte à une autosatisfaction pétrie de relents conservateurs…

A priori, un festival de “chanson francaise” a tout pour nous faire fuir. Comme l’ont illustré les dernières Victoires de la Musique, le genre est prétexte à une autosatisfaction pétrie de relents conservateurs (ah, le bon vieux temps du bal musette…) masquant des pans entiers d’une scène française pourtant bien dynamique (quelqu’un a-t-il expliqué à Michel Drucker ce qu’était la techno ?). La chanson se retrouve donc souvent coincée entre dérive variétoche et passéisme rétro-pétainiste. Résultat : des bacs remplis de musique qui bande mou, de peur de choquer la ménagère de moins de 50 ans (et apparemment de plus de 40). Car elle, elle achète encore du compact-disc, et ne risque pas de télécharger puisque la télé le lui a dit : Internet, c’est plein de sites pornos. A Marseille, la tendance est combattue par le CRAC (Centre Rencontre Animation Chanson) avec cette 11e édition du festival « Avec Le Temps » qui se déroule chaque année dans plusieurs salles locales. Non content d’être le seul festival marseillais à défendre les couleurs d’un genre jugé trop propre pour être honnête, « Avec le Temps » propose une affiche réellement éclectique : les programmateurs ont en effet pris le parti de défendre la chanson dans sa diversité de tons et de structures, qu’elle soit drôle ou engagée, que son texte se conjugue avec une guitare rock ou un accordéon. Le coup d’envoi est donné jeudi soir par Sapho, avec un hommage version flamenco à Léo Ferré (à qui le festival doit bien sûr son nom), avant que d’autres têtes d’affiches, comme Jacques Higelin ou l’éthylique Miossec, ne prennent ensuite le relais. Cette édition fait aussi la part belle aux artistes qui montent, en accueillant notamment les voix féminines de Mademoiselle K et Holden[1] ou Zoé (une jeune Belge dont tout le monde parle – à juste titre si l’on écoute ses futurs tubes aux textes ciselés) et Claire Diterzi (ex Forguette Mi Note). Mais comme chaque année, c’est surtout par la place donnée aux artistes en émergence que la programmation sort du lot. En laissant de la place, avec le concours de diverses petites salles du coin, à des musiciens cultivant une réelle identité musicale, le festival propose un patchwork des différentes tendances de la saison chanson, et cela même quelquefois à l’encontre des canons et figures imposées du genre… Il y en a de fait pour tous les goûts : chanson déjantée sauce electro avec Marijane Miracle, pop bricolée aux accents 60’s avec Noemi, blues-rock avec le prometteur Manu Lanvin qui manie aussi bien la six-cordes que la plume (écoutez l’excellent Paris Hilton du fils de qui vous savez), festif tendance manouche avec les Grosses Papilles, gothic-rock siouxien avec Anatomie Bousculaire… il s’agit ici parfois davantage de musique dans la langue de Molière que de chanson au sens propre – et c’est pas plus mal.

Laurent Teissier

Avec le Temps, du 22 mars au 3 avril dans plusieurs salles (voir agenda)
www.festival-avecletemps.com

Notes

[1] voir 5 concerts à la Une