Sax and the (NY) City

Sax and the (NY) City

Il est le premier à avoir incarné pleinement une terminologie punk-funk aujourd’hui très en vogue. Plus viscéral, plus risqué, plus arty, on ne fera jamais plus (et lui non plus d’ailleurs). Trente ans après ses débuts, James Chance est de retour : le GRIM a pisté la bête…

Il est le premier à avoir incarné pleinement une terminologie punk-funk aujourd’hui très en vogue. Plus viscéral, plus risqué, plus arty, on ne fera jamais plus (et lui non plus d’ailleurs). Trente ans après ses débuts, James Chance est de retour : le GRIM a pisté la bête.

Voici l’homme sans lequel The Rapture n’existerait pas. C’est peu de choses, nous direz-vous, et pourtant le fondement même de ce revival punk-funk asséné depuis cinq ans, de la percée du label DFA aux exactions dance-rock de tout un tas de groupes très en vogue actuellement outre-Manche. Tout est parti de là : en 2002, le fameux House of jealous lovers du quatuor susmentionné, discoïde à mort, calquait littéralement le Contort yourself de James Chance (dans sa version revisitée par August Darnell/Kid Creole), hymne emblématique d’une époque où le rock vivait l’une de ses dernières révolutions – la no-wave. Aujourd’hui, le rock recycle à tours de bras, et rares sont ceux à savoir manœuvrer dans un espace créatif de plus en plus restreint… Avant même de rentrer dans le vif du sujet, il convient donc de rentre à César ce qui lui appartient, et qui lui vaut d’ailleurs ce retour inespéré sur les scènes depuis deux ou trois ans. James Siegfried (de son vrai nom) est un monument underground, une personnalité atypique et radicale comme l’histoire du rock aime à en révéler ici et là. Natif de Milwaukee (USA), ce saxophoniste de formation arrive en 1976 à New-York où, bien qu’issu du conservatoire, il prend de plein fouet l’explosion punk. La liberté offerte par celui-ci rejoint celle de son expérience free-jazz : il intègre vite Teenage Jesus & The Jerks, l’une des formations (menée par Lydia Lunch) qui va incarner la seconde génération du mouvement. Mais la dimension technique limitée de ce que l’on appelle bientôt la « no-wave », eu égard à la séminale compilation initiée par Brian Eno (et grâce à laquelle il se fait un nom), le pousse à constituer en 1979 son propre groupe, les Contortions. Vociférations, stridences atonales de l’instrument qu’il érige comme son sexe, rythmiques syncopées : le premier album du groupe ouvre une porte, il fait le lien entre l’attitude nihiliste du punk et le groove cuivré du funk. Une histoire de pulsions : grand fan de James Brown, le bonhomme ne tarde pas à se construire une solide réputation scénique, où il donne beaucoup de lui-même et notamment des beignes, insultes et autres marques de sa grande bonté. Toujours sur Zé, l’un des labels clefs du courant no-wave, il publie la même année un autre album avec quelques musiciens additionnels, sous le nom de James White & The Blacks, et accentue ainsi son penchant pour le funk et la disco, bien que l’influence d’Ornette Coleman le préserve de sonner comme un David Bowie boosté par Nile Rodgers (Chic) – pour les oreilles non averties, c’est toujours aussi inécoutable. Avec les années 80 naissantes, d’ailleurs, la suite sera moins drôle. Après le split de son premier groupe aux deux visages, il fondera les Flaming Demonics (un cran au-dessous), partagera un projet sans suite avec Flea (le bassiste des Red Hot) et tombera surtout dans l’héro, ce qui marquera le début d’une longue traversée du désert puisque, c’est bien connu, la drogue, c’est pas bien. A cinquante ans passés, James en porte aujourd’hui les stigmates, et au vu d’un reportage réalisé par le magazine Tracks (Arte) il y a quelques mois, on se pose la question de savoir ce qu’une telle reformation peut apporter à l’affaire[1]. Sinon à casser le mythe, celui d’un prodigieux blanc-bec en costard cintré qui, l’espace d’un instant aussi fugace que l’essence même du rock, a incarné la définition même du cool dans ses grandes largeurs. PLX

Le 9 à Montévidéo, 20h30. Rens. 04 91 04 69 59
Dans les bacs : le coffret Irresistible impulse (Tiger Style Records) et tous les albums impeccablement réédités par le label Zé

Notes

[1] Un nouvel album serait en préparation