RENT - (USA - 2005 - 2h15) de Chris Colombus avec Rosario Dawson, Taye Diggs, Wilson Jermaine Heredia

RENT – (USA – 2005 – 2h15) de Chris Colombus avec Rosario Dawson, Taye Diggs, Wilson Jermaine Heredia

Que pouvions-nous espérer du dernier film de Chris Colombus, dès lors qu’il ne s’agissait ni d’un des nombreux « pop-corn movies » (Maman, j’ai raté l’avion, Mrs Doubtfire) dont il a le secret (bien gardé), ni d’une commande (Harry Potter et la chambre des secrets) ciblée petits-nenfants-férus-de-lecture… (lire la suite)

Papa, t’as encore raté ton film !

Que pouvions-nous espérer du dernier film de Chris Colombus, dès lors qu’il ne s’agissait ni d’un des nombreux « pop-corn movies » (Maman, j’ai raté l’avion, Mrs Doubtfire) dont il a le secret (bien gardé), ni d’une commande (Harry Potter et la chambre des secrets) ciblée petits-nenfants-férus-de-lecture ? Pas grand-chose avant le début de la séance et une grosse migraine de 134 minutes au sortir de la salle ! Adapté d’une comédie musicale[1], autour du Sida et de ses ravages[2], qui a tenu plus de dix ans le haut de l’affiche à Broadway, Rent est un ratage grand format, pile poil avec les mensurations de l’écran. Coulé par des mélodies gnangnan, striées de riffs de guitare façon Bon Jovi, et des paroles pénibles (« J’ai vendu ma guitare, pour acheter un car, partons à Santa Fe, bébé »), cet étouffant pudding musical dessert son triste propos. Utiliser un thème aussi grave que la maladie, la mort, le deuil dans le cadre profondément optimiste de la comédie musicale relevait du pari casse-gueule : la gamelle est donc de taille pour Colombus. Lorsqu’il fait chanter à ses personnages, appartenant à un groupe de parole séropositif, la bouche en cœur « J’ai oubliééééé mon traiiiiitement AZTTTTTTT » ou « Mes T4 ont baiiiiiiiissé, je suis fatiiiiiigué », on ne sait plus si l’on doit rire, pleurer ou pleurer de rire… jusqu’au malaise. Bref, transposer à l’écran un matériau de base si riche où s’entremêlent histoires d’amour multiraciales, homosexualité, rapports à la drogue et remises en question existentielles dans une Amérique qui découvre le Sida, méritait un réalisateur à la hauteur de ces ambitions. Reste la toujours impeccable et sublime Rosario Dawson[3] qui, peut-être parce qu’elle n’a pas, contrairement au reste du casting, joué la pièce à Broadway, est la seule à ne pas en faire des tonnes, à rouler des yeux, à lever les mains au ciel et à avoir tout bonnement compris qu’elle était dans un film, aussi raté soit-il. Quant au leitmotiv de la chanson-phare du film, Mesure ta vie, qui nous dit, en substance, de faire attention avant de s’envoyer en l’air sans protection ou de s’injecter une saloperie dans les veines, on a juste envie de lui répondre, en creux, que ça fait longtemps que nous sommes plus « mètre » de notre destin. Déjà morts ?

Henri Seard

Notes

[1] Il faut quand même savoir que la dernière comédie musicale digne de ce nom a été produite par la télé US avec Once more, with feeling, un épisode de la saison 6 de l’extraordinaire série Buffy contre les vampires de Joss Whedon.

[2] Dans la même veine, la sublime mini-série Angels in America, diffusée sur Canal + l’hiver dernier et que France 3 s’obstine à garder dans ses tiroirs parce qu’elle est Plus belle la vie, traitait déjà, avec élégance et sobriété, des « années Sida ».

[3] Découverte dans Kids de Larry Clark, elle a depuis plus ou moins confirmé dans La 25e heure de Spike Lee ou Sin City de Roberto Rodriguez, mais il lui manque encore le grand rôle qui…