Quartier(s) d’isolement au Théâtre Gyptis

Quartier(s) d’isolement au Théâtre Gyptis

Mécanique des oranges

Le Gyptis ouvre sa scène au Théâtre Off pour cinq représentations de Quartier(s) d’isolement, une œuvre utile et salutaire issue des ateliers menés en milieu carcéral par Anne-marie et Sophie Ortiz.

QUARTIER%28s%29-ISOLEMENT.jpgTout au long de la saison, sous le label « scène des écritures urgentes », le Théâtre Off propose en son « Laboratoire » une série de propositions d’écriture, où l’on suit les personnages de près, presque pas à pas, comme caméra à l’épaule. Dans Il faudrait tout reprendre à zéro, c’est Anne-Marie Ortiz que l’on suit, d’un atelier en collège « sensible » à un autre en milieu carcéral, d’un bureau des affaires culturelles jusque dans sa baignoire. Dans Parloir sauvage, on marche sur les traces du co-auteur et acteur Zenagui Temimi, de sa cellule au prétoire, entrecoupé de séjours dans son quartier — sans véritable endroit où il sorte de la violence, où on le sente libre, ne serait-ce qu’un instant.
Pour Quartier(s) d’isolement, la caméra fait un travelling arrière et le champ s’élargit. Il apparaît alors que ces personnages étaient dans le même décor et n’avaient en commun que leurs isolements. On en découvre de nouveaux, tout aussi seuls : la jeune détenue, écorchée et perdue, et le maton. Au-delà du sens spécifiquement carcéral, les « quartiers d’isolement » sont multiples. De celui que Zenagui retrouve chaque fois qu’il est hors de la prison à celui dans lequel la médecine tente de confiner son co-détenu. De celui de silence dans lequel évolue le personnel pénitentiaire jusqu’à celui que chacun d’entre nous se bâtit et dans lequel la parole ouvre des fenêtres. Pour qu’elle porte, il est nécessaire de ne pas édulcorer cette parole. Afin que ceux qu’elle rend à l’intégrité de leur être (les détenus participants aux ateliers) en retirent l’intégralité des bienfaits. Afin que les collégiens soient véritablement saisis par la violence des situations et puissent greffer sur ce ressenti une analyse. Et enfin, afin de donner à cette œuvre valeur de témoignage, un témoignage plus authentique qu’un reportage car sans autre intention que répondre à l’urgence. La parole, c’est la réponse, portée par une logique d’humanité, que les Ortiz opposent à cette mécanique de l’exclusion et de l’enfermement, tentant de reconstruire les êtres et les liens, et de refaire de ces quartiers une orange… bleue comme la terre.

Frédéric Marty

Quartier(s) d’isolement : jusqu’au 27/03 au Théâtre Gyptis (136 rue Loubon, 3e).
Rens. 04 91 11 00 91 / www.theatregyptis.com