Oh les beaux jours !

L’interview
Nadia Champesme (Des Livres comme des idées)

 

 

À la tête de l’association Des livres comme des idées avec l’éditrice Fabienne Pavia, Nadia Champesme nous dévoile les dessous de la cinquième édition du festival Oh les beaux jours ! avec son enthousiasme habituel. La programmation éclectique de la manifestation démontre à nouveau et avec passion son esprit d’ouverture et l’envie de donner à tous le goût de la littérature.

 

 

Comment vous sentez-vous après cette année chaotique et, surtout, comment s’est passée la préparation de cette nouvelle édition ?

On a survécu et on est très heureux de retrouver le public puisque l’édition 2020 s’était finalement déroulée avec des propositions uniquement en ligne. Pour 2021, après la réouverture des structures et malgré une programmation avancée et prévue pour mai, on a décidé de décaler en juillet pour s’assurer que le festival aurait bien lieu. Entre la programmation du mois de mai et celle de juillet, on a un peu recomposé avec les aléas et les disponibilités de chacun, et bâti notre programme en prenant en compte tous les paramètres : disponibilités des auteurs, autres festivals, météo estivale…

 

Parmi les nouveautés de cette édition figure le Prix littéraire du Barreau de Marseille…

Le Prix avait été créé l’an passé, mais il n’avait pas pu être remis en public, d’où l’idée d’inviter le lauréat 2020, Laurent Petitmangin, à remettre le prix cette année. Le lauréat 2021 sera connu lors de la délibération le 15 juillet en présence de l’auteur de Ce qu’il faut de nuit. Les livres en concurrence pour le prix doivent entrer en résonnance avec le quotidien des avocats et porter sur des questions de société qui font débat.

 

Le festival semble justement en phase avec l’actualité tumultueuse. Dans vos « frictions littéraires », vous proposez de parler des mouvements sociaux, des conflits…

Avec Fabienne, on s’est dit qu’on ne pouvait pas faire comme s’il ne s’était rien passé ; le rôle de la littérature est de questionner le monde qui nous entoure.

On s’est rendu compte que dans les parutions récentes, il est beaucoup question d’engagement, du mouvement #MeToo ou de comment parler du vivre ensemble.

Avec le journaliste Nicolas Martin, spécialisé dans la vulgarisation scientifique, on propose un temps de réflexions et de débats sur la question de « l’après » et sur le lien au cours d’une soirée qui se veut aussi joyeuse et festive, en musique (le 17 au Mucem).

 

Dans la programmation, vous offrez aussi une grande part aux contes et à l’imaginaire… Était-ce pour fuir cette année douloureuse en s’échappant dans un autre monde ?

C’est le propre de la littérature que de nous raconter des histoires, que ce soit les contes dans l’enfance, les épopées, les grandes aventures ou la SF qui nous amène ailleurs… Cela nous permet en effet de nous échapper de notre quotidien. Il y a aussi la dimension de voyage dans la littérature qui nous nourrit et effectivement, après cette année, il y a encore plus de propositions.

 

Quel est votre lien avec les auteurs et structures locales comme la maison d’édition Hors d’atteinte ou la revue La Déferlante ?

On souhaite avoir une pluralité de catalogues et de ne pas s’intéresser qu’aux gros éditeurs, d’où l’intérêt de montrer le travail de maisons indépendantes comme Hors d’atteinte ou de La Déferlante, qui parle beaucoup des nouveaux féminismes. Notre objectif est aussi de laisser la place à des découvertes, de montrer la diversité et d’accompagner, au-delà des auteurs connus, des personnes et des projets pluriels dans lesquels chacun peut se retrouver.

 

Pouvez-vous nous parler plus en détails des choix dans la programmation, notamment les nombreuses propositions autour de la BD, la multiplication des lectures musicales ou la diminution du nombre de grands entretiens par exemple ?

On a vraiment entamé ce travail de dialogue entre la BD et d’autres disciplines, comme les sciences humaines, depuis 2019. Et puis cela vient de nos choix de lecture, comme l’auteur de BD Jean-Yves Duhoo (l’Association) et son Mister cerveau préfacé par Lionel Naccache (spécialiste en neurosciences), qui rentre pleinement dans notre envie de mélange des genres, ou encore comme le travail commun entre Lisa Mandel et la romancière Joy Sorman autour du thème de la psychiatrie.

Il y a vraiment un renouveau de la BD qui s’empare de sujets de la littérature et développe de nombreuses propositions qui correspondent vraiment à ce qu’on entend par « frictions littéraires », le sous-titre du festival.

L’idée est de rendre abordable au grand public des choses qui lui sembleraient inaccessibles. C’est vraiment ce qui nous tient à cœur depuis le début.

Pour ce qui est des lectures musicales, leur multiplication vient du fait qu’on a plus de lieux en extérieur, et du côté festif qu’on souhaitait donner au festival pour cette édition de juillet.

 

Un mot sur les lieux justement, et notamment les deux petits nouveaux, l’Iméra et le Conservatoire Pierre Barbizet ?

L’Iméra est un lieu qui propose des résidences de chercheurs, avec un pôle d’excellence sur des questions notamment liées à la Méditerranée, mais qui peut aussi accueillir des auteurs et des scientifiques. On y proposera notamment un dialogue entre l’auteur turc Sedef Ecer et l’auteure égyptienne Iman Mersal (le 17).

Quant au Conservatoire Pierre Barbizet, Raphael Imbert, qui le dirige, nous a ouvert ses portes. C’est un lieu sublime qui mérite d’être découvert avec sa cour merveilleuse à l’acoustique incroyable.

 

Vous menez des actions tout au long de l’année, notamment auprès de collégiens. N’avez-vous pas été entravés par le Covid ?

En effet, on a un gros programme d’actions culturelles à l’année ; ce travail nous tient particulièrement à cœur et notre festival n’a de sens que si on est en lien avec les lecteurs de demain.

Il y a un véritable engouement pour le Prix des nouvelles des collégiens qui mobilise plus de mille élèves et quatre ou cinq auteurs. Le Rectorat nous a remis le prix du projet remarquable, qui reconnaît tout le travail fourni et ce que cela peut apporter aux élèves.

On travaille aussi avec les centres sociaux, les écoles, les étudiants ou encore l’APHM. On travaille autour de la lecture, de l’écriture, de l’édition, d’ateliers pop-up et toutes les formes de travail qui peuvent composer un livre.

Certaines rencontres ont été faites en numérique ou on a décalé les projets dans le temps. On a aussi travaillé en demi-groupe, mais la plupart des ateliers ont eu lieu. On a pu finalement se déplacer et travailler normalement.

 

Le mot de la fin : êtes-vous optimistes pour cette édition ? Peut-on dire que le festival est, d’une certaine façon, devenu populaire ?

On se dit que le public sera au rendez-vous, on est heureuses de cette programmation, d’avoir réussi à réunir tous ces auteurs qui sont aussi heureux d’être là ; même si certains Marseillais seront déjà partis… On a fait le choix de proposer des billets abordables (maximum 15 euros) afin que les gens puissent faire plusieurs soirées, et toutes les rencontres sont gratuites dans la journée.

Au vu des réservations, le public semble être présent. L’objectif est d’être ouvert au plus grand nombre. « Populaire », c’est l’adjectif qui me plait le plus dans la littérature !

 

Propos recueillis par Cécile Mathieu

 

 

Oh les beaux jours ! : du 12 au 18/07 à Marseille.

Rens. : http://ohlesbeauxjours.fr/