Marx ou crève !

Marx ou crève !

Alors que les deux candidats à la Présidentielle se disputent la valeur travail, la compagnie du Mini-théâtre ressuscite Karl Marx dans une savoureuse création qui remet les choses à leur place…

Alors que les deux candidats à la Présidentielle se disputent la valeur travail, la compagnie du Mini-théâtre ressuscite Karl Marx dans une savoureuse création qui remet les choses à leur place.

Comme un diable — ou plutôt comme un clandestin de son container, Marx sort de sa boîte… Surprise ! Dérangeante surprise. Ceux d’en haut lui ont laissé une heure pour nous parler. Mais pour nous dire quoi ? Pour jouer au vieil aigri qui répète « Vous voyez, j’avais raison » ? Non, il revient parce que les libéraux d’aujourd’hui font tout pour l’enterrer définitivement. Car, depuis la « faillite du modèle communiste », il est de bon ton de dire que Marx est un has been. Et, Marx, ça l’énerve. Pourquoi est-ce devenu ringard de vouloir changer le monde ? Les inégalités, la concentration des richesses, la société marchande, l’aliénation par le travail ont disparu ? Il a raison, il reste beaucoup à faire, mais on échappe à l’amère leçon de morale parce que ce Marx-là est étonnamment humain. A peine sorti de sa boîte, le personnage nous capte, espiègle et provocateur. Tout en dépliant son décor, comme on installe un stand dans une foire, Karl nous raconte sa vie. Furieux et tendre, brillant et triste, il oscille entre philosophie politique, histoire et souvenirs personnels sans jamais se départir de son humour. Les mots d’esprit, l’ironique dérision ponctuent sans cesse son histoire pourtant souvent austère. Il se souvient des expulsions, de l’exil et de la misère à Soho, mais aussi de l’amour de sa femme et de sa fille, de l’amitié d’Engels, des disputes avec Bakounine. Remonté à bloc, il profite de chaque minute, et le comédien, Ivan Romeuf, ne ménage pas son énergie. Le voilà soudain devenu historien pour nous raconter la Commune de Paris, une BD de Tardi à la main. Economiste, il bouillonne en lisant le supplément « Argent » du Monde : un régal ! Debout derrière son comptoir, comme à une tribune, il nous parle enfin des grands principes de sa théorie, comme la valeur travail, expression qui prend un tour tout particulier en cette période électorale. Quand il disparaît de scène, aussi vite qu’il était apparu, il laisse le spectateur un peu déboussolé, un peu désabusé, en tout cas très amusé. Un Marx et ça repart.

Texte : Aubierge Desalme
Photo : Catherine Rocchi

Jusqu’au 12 au Théâtre de Lenche. Rens. 04 91 91 52 22