L’Interview : 1995

L’Interview : 1995

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Ils viennent de Paris, ils ont la vingtaine et un talent certain. Les cinq MC’s (Alpha Wann, Areno Jaz, Nekfeu, Sneazzy West et Fonky Flav) et le beatmaker (DJ Lo’) de 1995 n’en sont qu’à leur premier EP, mais font déjà le buzz. Explications.

Comment vous situez-vous vis-à-vis de l’ancienne génération ?
Dans l’ensemble, on a énormément de respect pour ce qu’ont fait les anciens (Lunatic, Les Sages Po, etc.) et les classiques intemporels qu’ils ont produits. On a également beaucoup observé leur parcours, tant au niveau musical que commercial, afin d’éviter de commettre les mêmes erreurs que certains d’entre eux.

Vous sonnez très 90’s, et vous avez d’ailleurs déclaré avoir nommé votre groupe 1995 en hommage au Paris sous les bombes de NTM, sorti cette année-là. Ces références affichées sont-elles lourdes à porter ?

Oui et non. On tourne effectivement un regard vers cette période parce qu’elle a posé certaines bases dont on s’inspire, mais nos influences sont souvent beaucoup plus modernes. La plupart des gens qui ne s’intéressent pas forcément au rap imaginent que « sample = old school », mais c’est faux. Notre côté « old school » se retrouve plus, selon nous, dans notre spontanéité et la volonté de se surpasser plutôt que d’entrer dans un format commercial usé.

Quelles sont les particularités de votre génération, dite « Internet », qui est née avec un clavier entre les mains ?
C’est difficile pour nous de répondre à cette question, mais il y a effectivement une différence qui se creuse ces dernières années avec les génération précédentes : il est aujourd’hui possible de faire un disque de A à Z, de le vendre et de le promouvoir sans l’aide de personne. C’est vrai que nous avons beaucoup utilisé Internet, mais plutôt de façon naturelle que par calcul marketing : on utilise Facebook dans la vie de tous les jours, le rap fait partie de notre vie de tous les jours, donc on utilise Internet pour partager notre musique !

Vous samplez Shurik’n, ça vous fait quoi de venir à Marseille ? Est-ce que cette ville vous évoque encore quelque chose en termes de hip-hop ?
IAM, la Fonky Family, s’il ne fallait citer qu’eux, sont des légendes dans le rap français, avec un nombre de classiques de fou ! On a tous blasté leurs morceaux, et c’était naturel de glisser des petites références dans notre disque. Avec le recul, on a samplé plutôt du rap marseillais, c’est vrai, mais là encore, ce n’était pas un calcul. En ce qui concerne le concert, comme d’habitude, on a hâte de monter sur scène, d’autant que le public marseillais a sa petite réputation. On croise les doigts pour que ça soit le feu ! (rires)

Comment vivez-vous l’effervescence actuelle autour d’un renouveau du rap dont vous seriez l’un des porte-drapeau ?
C’est évidemment très flatteur que les médias s’intéressent à nous. Espérons que ça dure, même si ce qui nous motive avant tout, c’est de monter sur scène.

Vous avez organisé votre tournée seuls, des labels importants vous ont approchés et pourtant, vous n’avez pas encore annoncé de signature officielle… Avez-vous peur de perdre cette manifeste indépendance et votre fraîcheur en signant sur une major ?
En effet, nous avons une forte volonté de rester indépendant, c’est pourquoi nous avons monté notre label Undoubleneufcinq, qui nous permet de produire notre musique sans contrainte. Nous sommes en pourparlers avec des majors, mais cela demande manifestement des sacrifices que nous ne sommes pas encore prêts à faire…

Dans son nouvel album, Joey Starr s’interroge sur l’état du Hip-hop, déplorant l’absence de relève. Qu’en pensez-vous ? Comment vous voyez-vous dans cinq ans ?
Il a sûrement dû l’écrire avant qu’on sorte notre disque. (rires) Plus sérieusement, Internet permet justement de se rendre compte que la relève est bien là, avec des dents plus longues que jamais. Si les producteurs avaient un peu de courage et beaucoup plus de curiosité, ils n’attendraient pas qu’un groupe soit médiatisé pour lui proposer une signature. Il y a énormément d’artistes qui partagent la même passion pour la musique que nous, il suffit d’ouvrir les yeux et surtout les oreilles…

Propos recueillis par Virna Setta et Margaux Miracle-Solé

1995 : le 26/11 au Cabaret Aléatoire (Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e).
Rens. 04 91 47 57 99 / www.leposteagalene.com / www.myspace.com/undoubleneufcinq