L’espion qui merdait

L’espion qui merdait

Des années qu’on attendait ça… La voilà enfin, la comédie française à gros budget pas balourde ni affligeante, l’équivalent cinématographique des pastiches cathodiques des Nuls… (lire la suite)

Des années qu’on attendait ça… La voilà enfin, la comédie française à gros budget pas balourde ni affligeante, l’équivalent cinématographique des pastiches cathodiques des Nuls, le pendant hexagonal des parodies américaines (la série des Y a-t-il… ?). Dès le générique, qui rappelle les riches heures du graphisme 60’s, OSS 117 affiche ses ambitions. Ambitions humoristiques d’une part : Jean-François Halin (ex des Guignols) s’approprie habilement les codes des séries B d’époque (méchants d’opérette, héros constamment pris en filature, gentil contremaître…) pour livrer un scénario totalement actuel dans ses ressorts comiques (répétition et absurde des situations, personnages caricaturaux, flash-back grotesques…).
Ambitions formelles aussi (c’est plus rare) : ne se contentant pas d’enchaîner platement les gags hilarants de son comparse, le réalisateur Michel Hazanavicius (Le grand détournement) crée tout un univers en Technicolor (décors kitsch pour exotisme de pacotille, trucages visibles, cadrages et éclairages sophistiqués) qui sied parfaitement à son sujet rétro. Ambitions de casting enfin : si Jean Dujardin est la vedette incontestée du film, il ne le doit pas (uniquement) à son actuelle réussite. Il est fait pour cet emploi : comme un poisson dans l’eau, il navigue entre les seconds rôles (dont le jeu outrancier est à l’avenant) avec une aisance remarquable, jouant de son physique de beau gosse autant que de ses mimiques imparables. Là où le film fait mouche, c’est surtout dans la recréation même du personnage d’Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117. A mi-chemin entre Sean Connery/James Bond (pour le physique) et Peter Sellers/l’inspecteur Clouseau (pour la crétinerie), l’espion star de la IVe République a beau être « de la Bath », il ne se révèle pas plus ok que in : ignare, machiste, raciste, fanfaron, notre homme symbolise ici la France coloniale, pétrie de certitudes et de condescendance. Chargé de « sécuriser le Proche-Orient » (sic), OSS 117 va se révéler une véritable plaie pour les Egyptiens, un touriste ringard qui croit bon d’offrir des photos de René Coty en guise de pourboires ou de faire taire le muezzin manu militari parce qu’il l’a empêché de dormir. Bref, un héros aussi pathétique qu’irrésistible et dont les auteurs, qui n’auront certainement pas l’heur de séduire dix millions de téléspectateurs (trop ciblé 25-45), s’érigent ici en sauveurs de la comédie made in France, genre désespérément dévolu depuis quelques années à des beaufs bronzés ou incontrôlables pas drôles pour un ancien franc.

CC