Ambrose Akinsumire au Charlie Jazz Festival

Les festivals de Jazz

Fuites de jazz

 

Une offre jazzistique estivale pléthorique ? Pour tenter de s’y retrouver, petit tour d’horizon provençal des manifestations dédiées aux déclinaisons des notes bleues. Par catégorie, s’il vous plaît.

 

 

Les allumés

A Vitrolles, il ne manquera au Charlie Jazz Festival qu’un hommage au regretté Ornette Coleman… Pour autant, c’est dans les traces du « fondateur » du free jazz que s’inscrivent les têtes d’affiche toutes plus alléchantes les unes que les autres : Ambrose Akinsumire, le flamboyant trompettiste américain au sens du swing imparable et aux engagements indéfectibles, le contrebassiste troubadour Renaud Garcia-Fons ou encore Brad Medlhau, le pianiste (superstar) qui virevolte. Le trop rare soutien à la création sera marqué par une sortie de résidence du violoncelliste Emmanuel Cremer, décidément habitué des platanes de Fontblanche. Comme une piqûre de rappel aux origines du jazz, les fanfares ouvriront les festivités chaque soir. Et toujours ces tarifs populaires : trois soirs à Charlie Jazz Festival égalent un soir à Juan (et encore…). Enfin, aller à Vitrolles c’est aussi manifester son soutien à des résistants historiques de la lutte contre le fascisme, qui sont restés debout quand les Mégret géraient la ville. Nourrissons-nous de leur combat. A Avignon, l’AJMI continue de péter grave les plombs : la troisième édition du festival Têtes de Jazz promet de nous en mettre plein la face avec un photo-concert pacifiste autour de 14-18 de l’Ensemble Ozma, un bal de Journal Intime et consorts, le duo décalé en hommage à Purcell de Ambre Oz et Christophe Jodet, puis le groove mandingue du World Kora Trio.

 

Les métropolitains

On craignait que la cité phocéenne ne perde le sens du swing à l’annonce d’un Charlie Winston (qui ça ?) ou d’un Goran Bregovic (super, mais on le verrait plus à la Fiesta). Las, le Marseille Jazz des Cinq Continents frappe très fort d’emblée avec le projet Music is My Home que Raphaël Imbert a ramené de ses pérégrinations lousianaises. Un bain enchanteur dans les sources du jazz. On s’élèvera dans la spiritualité chère à notre saxophoniste bas-alpin lors d’une enchanteresse soirée sur la terrasse du MuCEM, avec un plateau suprême, magnifié par le quintet d’Omer Avital : ce contrebassiste et oudiste fera résonner le chant séfarade comme l’universel méditerranéen auquel prétend le lieu. Redescendons vers le Théâtre Silvain : Lisa Simone sera un peu comme à la maison (sa mère s’étant éteinte à Carry-Le-Rouet), cependant que Stanley Clarke ravira encore les aficionados de la quatre cordes. Longchamp reste réservé au lourd (et cher), comme si la topographie du festival rejoignait la ségrégation socio-spatiale de la ville. Des premières parties féminines avec des femmes instrumentistes (la batteuse Anne Pacéo, la pianiste Perrine Mansuy) : super… mais quid des têtes d’affiche grand public où le swing perd son latin ? Et où sont passés les jams d’après-festival, le lien organique avec Alcajazz qui donnait au FJ5C des atours d’éducation populaire ? On retrouvera un peu de cet esprit dans les avant et après de l’évènement avec, notamment, la performance en milieu hospitalier du sax Fred Pichot… en novembre.
On pourra faire un tour à Toulon, parce que le festival gratuit aligne des vocalistes hors pair, telle la trop rare locale Virginie Teychené, au verbe des plus musicaux, ou bien le géant soul Gregory Porter, dont la voix et les textes emportent l’adhésion. L’on pourra aussi retourner à Avignon, se délecter de la somptueuse Tricia Evy, ou bien de nostre Kevin Norwood, sans oublier de soutenir, lors du tremplin européen, le projet Raven, dans lequel on retrouve le contrebassiste Damien Varaillon-Laborie, issu de la classe de jazz du Conservatoire de Marseille, ancien soutier des jam sessions phocéennes.

 

Les ruraux

Entendez-vous dans nos campagnes rugir ces féroces cats ? Il y en aura à Gréasque, à l’occasion de Jazz en Sol Mineur. On en retrouvera à l’occasion de Jazz dans les Vignes, dont le sémillant saxophoniste russe Dmitri Baevsky. On en croisera encore à La Farlède, où l’association Atout Var a su mobiliser les talents régionaux tel Lionel Belmondo ou bien la boppeuse scatteuse Alice Martinez. Les talents amateurs trouveront à s’exprimer à l’occasion de stages, tel celui organisé dans le Luberon par l’association Jazz en Provence, dirigé par l’inlassable chanteuse et militante de la note bleue Benjamine Girolami.

 

Les hype

Ramatuelle, Nice, Juan-Les-Pins… Ne pas croire en la hype ? C’est pourtant à Nice que l’on pourra retrouver les Roots pour leur seule date hexagonale. Ah, si leur groove pouvait fracasser Estrosi… On déplorera enfin l’absence du Festival Jazz Fort Napoléon, dans la cite ouvrière de La Seyne-sur-Mer, où l’on pouvait se délecter des performances de boppers historiques et de jeunes formations non moins puissantes. Mais il paraît que c’est la crise.

Laurent Dussutour