Leonard Cohen au Dôme

Leonard Cohen au Dôme

Dôme à homme

Léonard Cohen a délivré un grand moment de bonheur, tout à la fois léger et profond, intemporel, et dessiné en plus de trois heures les lignes pures de l’évidence.

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Ce n’est pas à proprement parler un voyage dans le temps, bien qu’il nous emmène de l’Egypte ancienne (Born in chains) jusqu’à The future. Ce serait plutôt un voyage hors du temps. Un voyage dans les méandres éternellement revisités de l’âme humaine, d’une vie ; dans le questionnement permanent, honnête et humble de la foi. Un voyage dans la douleur, la jouissance et le frisson que va chercher et cueillir le poète ; un voyage dans la richesse, épurée et précise, presque austère, de la langue. Avec de temps à autre un sourire, un geste, un mot d’humour qui semble dire : « Ne prenez pas tout cela trop au sérieux !».
Le désir, il est dans l’architecture élaborée par le spectacle, très vertical. Une verticalité dessinée par de longues et claires tentures, le plus souvent renforcées dans leur luminosité par les éclairages, mais aussi parfois colorées de teintes plus chaudes au gré des évocations les plus charnelles, les plus terrestres. Les chœurs féminins, les « sublimes Webb sisters », sur la gauche sont un pendant scénique à Dino Soldo, le saxophoniste, harmoniciste, placé à droite. Entre ces deux colonnes sonores de clartés cristallines, les guitares de Roscoe Beck (basse), Javier Mas (guitare 12 cordes, oud…) et Bob Metzger, plus horizontales s’associent à l’orgue de l’ « impeccable Neil Larsen » pour servir des écrins où la « voix en or » vient déposer, au long d’un répertoire époustouflant, parmi ses pierres les plus précieuses. Lesquelles pourrait-on retenir sans être injuste aux autres ? Tower of song ? The Partisan ? Famous blue raincoat ? First we take…? Chelsea Hotel ou Suzanne, So long Marianne, Like a bird on a wire, Ain’t no cure for love ? Aucune assurément, tant cette performance est un tout. Une blessure d’une étrange sérénité visitant la foi et le doute, l’ombre et la lumière, toutes les formes et les états de l’amour, comme participants d’un seul et même principe. Une expérience aboutie, propre à émouvoir, habiter, enrichir et élever celui qui la reçoit en partage. En cela, Léonard Cohen est à la fois un homme viscéralement de son temps et qui remplit de façon formidable la fonction familiale de « prieur », se montrant un digne descendant d’Aaron.

Fréderic Marty

Leonard Cohen était au Dôme le 21 septembre dernier.