*SUSPENDU* Jazz sur la Ville

Cordons bleus

 

L’équipe de Jazz sur la Ville fait donc le pari de maintenir le festival éponyme en dépit de tous les obstacles liés à la pandémie. En ces temps d’effondrement, cet évènement prouve combien le jazz peut être un écosystème culturel résilient fondé sur l’entraide.

 

Têtes d’affiche

 

À Vitrolles, Charlie Jazz annonce deux concerts d’anthologie. Le contrebassiste d’origine israélienne Avishaï Cohen délivrera quelques claques sensuelles, entre groove new-yorkais et tropisme méditerranéen. Le désormais mythifié pianiste Brad Mehldau, qui a reversé les droits de son dernier opus à un fonds de solidarité pour les musiciens de jazz en avril dernier, donnera un récital en solo, en espérant que, en ce surlendemain de l’élection présidentielle américaine, il n’aura pas à jouer la pièce anti-Trump qu’il avait composée en 2018.

À la Criée, l’accordéoniste Vincent Peirani et le sax’ soprano Émile Parisien fourbiront des propositions issues de leur nouvel opus, principalement issu de la rencontre entre jazz et tango. Au 6mic d’Aix, le bassiste virtuose Richard Bona s’exprimera avec le pianiste cubain Alfredo Rodriguez. Dans cette nouvelle salle dédiée aux « musiques actuelles », le trompettiste helvète Erik Truffaz déploiera son jeu funky. À Salon-de-Provence, le saxophoniste italien Stefano di Battista jouera son hommage à Ennio Morricone. Le sulfureux expérimentateur Nick Bartsch, lui, sera à l’Abbaye Saint-Victor à Marseille.

Le pianiste claviériste Laurent Coulondre, nanti de plusieurs trophées décernés par la jazzosphère, sera en solo à la Maison Française à Aix. La pianiste phocéenne Perrine Mansuy, en sortie de résidence de création à Vitrolles, sera accompagnée notamment de la flûtiste Naïssam Jalal, puissante décolonisatrice des corps et des esprits. Charlie Jazz aligne, ainsi que l’AJMI d’Avignon, la nouvelle création du pianiste novateur Bruno Angelini. Au Cri du Port, la salle marseillaise épicentre du festival, on pourra enfin communier en mémoire de Charlie Parker, dont cette année délétère marque le centenaire de la naissance : le trio de doux dingues Un Poco Loco y déroulera son hommage à Bird. La spiritualité sera de mise également avec deux hommages à Coltrane : Raphaël Imbert et son gang rejoueront A Love Supreme à l’IMFP de Salon, cependant que le big band de Christophe Dal Sasso délivrera une version grand format de l’album Africa du souffleur suprême.

Émergences

 

Des formations locales d’excellence émaillent la programmation. Ainsi du quartet de la fantasque et créative chanteuse Cathy Heiting, plus en verve que jamais, ou encore des chouchous des danseuses et danseurs de lindy-hop, les Shoeshiners d’Alice Martinez. Serket & The Cicadas, emmenés par la pianiste Cathy Escoffier, dérouleront leur jazz pop. Le guitariste Émile Mélenchon déploiera son art de l’acoustique au Cri du Port, cependant qu’au Non-Lieu les formations du pianiste Fred Drai et du saxophoniste Fred Buram (avec son nouveau trio Boogie Lione) devraient mettre le feu à la petite salle de la rue de la Palud.

Des propositions venues d’ailleurs renforceront l’écosystème musical régional, comme le set proposé par la harpiste Laura Perrudin, qui devrait plonger la public de la Mesón en transe (la salle de la rue Consolat aligne d’autres concerts tout aussi appétissants), ou encore celui développé par la pianiste Macha Gharibian, dont l’heureuse combinaison des notes bleues et des mélodies arméniennes devrait réjouir le public de Port-de-Bouc, et nous aider à ne pas oublier l’Arménie. La black music résonnera à la Gare de Coustellet, avec le set du batteur d’origine béninoise Yul et du rapper américain Napoleon Maddox.

 

 

Contes enjazzés

 

Cette édition 2020 fait la part belle au verbe. Ainsi de la lecture musicalisée, au Non-Lieu, de Low Down : Jazz, came et autres contes de la princesse bebop, adaptation scénique des sulfureuses mémoires de la fille du légendaire Jo Albany, accompagnateur, entre autres, de Charlie Parker. Franck Cassenti développera un propos similaire, à Hyères notamment : le cinéaste et directeur artistique du festival Jazz à Porquerolles a su s’entourer de la crème des musiciens régionaux (dont Christophe Leloil à la trompette) pour conter quelques portraits de musiciens emblématiques, Monk entre autres. Il est également convié à présenter son nouveau documentaire au Cri du Port. Le sax’ alto Maxime Atger soutiendra une parole poétique sur le projet Les Ponts à la Cité de la Musique de Marseille, tandis qu’à Arles une proposition intitulée Oakland, soutenue entre autres par le violoncelliste Vincent Courtois, devrait susciter des émotions intenses. Le verbe chanté ne sera pas en reste avec la représentation toujours très appréciée de We Want Nina, portée depuis des années par la chanteuse Mariannick Saint-Céran, en hommage à La Simone. Gageons qu’en termes de pandémie jazzistique, l’esprit sinon la lettre de la chanteuse pianiste fait encore tressaillir plus d’un d’entre nous.

 

Laurent Dussutour

 

Jazz sur la Ville : du 2/11 au 5/12 en Provence.

Rens. : http://jazzsurlaville.fr/

Le programme complet de Jazz sur la Ville ici