Alice Martinez © LM photographie

Identités Remarquables | Alice Martinez

Mademoiselle chante le jazz

 

Alors qu’elle s’apprête à donner des lives autour de deux projets différents la même semaine, WindoW (dans le cadre de l’excellent festival Minutes Jazz) et The Shoeshiners Band, et entre deux livraisons du répertoire de son French Project Group, Alice Martinez a bien voulu prendre le temps d’une réflexion sur son métier de chanteuse de jazz.

 

On saluera d’abord l’impétueuse battante, qui ne se départit jamais d’un humour bien senti, construit avec force (auto)dérision, comme en témoignait son Eloge des cagoles, hit absolu d’un jazz phocéen du mitan des années 2010 (construit sur le standardissime Chega de Saudade). Loin de tomber dans la déploration du machisme ambiant, elle est une inlassable jazzwoman nantie d’une force artistique à toute épreuve : « Selon une étude récente, 88 % des musiciens de jazz sont des hommes. En effet, nous sommes une minorité. Je ne pense pas être victime d’une quelconque forme de machisme. J’ai grandi dans ce milieu, j’en connais les hommes et les codes depuis l’enfance (ndla : son père, notamment, est un guitariste de jazz historique dans la région). Marseille, machisme ou musique, ça me parait être un détail. Avant d’être femme et non instrumentiste, je suis surtout leader et je pense que dans le métier, on respecte de façon générale ceux qui s’attèlent à la tâche rébarbative d’aller chercher des contrats. »
On ne se lassera pas de l’excellence de son chant : par-delà une plume trempée au vitriol pour l’écriture des paroles, sa voix dévore les registres des genres jazzistiques (elle ne cesse d’ailleurs jamais de la travailler aux côtés de la chanteuse lyrique Melody Louledjian), pour s’imposer comme leader de redoutables gangs de cats (parmi lesquels Sam Favreau, magicien de la contrebasse, Cédric Bec, chamane de la batterie, Lionel Dandine, merveilleux pianiste/claviériste…) pour le projet WindoW, nourri des images les plus belles de la culture américaine, tel les tableaux de Hopper ou les films de Hitchcock (beau pied de nez à la trumperie ambiante). Cette domination féminine s’exprime principalement sur scène, tant la gestion quotidienne de ses différents projets est « chronophage » : « D’un point de vue artistique, je trouve mon équilibre entre ces différents projets. J’aime chanter en français, j’aime les nouvelles mouvances du jazz métissé de musiques actuelles et j’aime l’énergie du swing. Je ne voudrais pas avoir à en privilégier un au détriment d’un autre. Le seul axe que je ne veux pas perdre de vue, c’est celui de mon rôle social d’“agent du spectacle” : sortir les gens de leur quotidien, l’espace de quelques heures, qu’ils oublient leurs soucis, leurs prêts immobiliers, la scolarité de leurs enfants, leurs problèmes de santé, et partager l’amour que j’ai pour cette musique. »
Avec son dernier-né, The Shoeshiners Band, cette entertaineuse renoue avec les racines dansées du jazz. Elle a su convaincre la « jeune garde » aixoise (Olivier Lalauze, contrebasse, Ezéquiel Célada, saxophone et clarinette, Gabriel Manzanèque, guitare, Sylvain Avrazzeri, trompette/trombone, Zef Richard, batterie) de concocter un répertoire tout en swing. En attendant l’album, qui fait l’objet d’un appel à financement participatif, Alice Martinez s’impose en maîtresse de bal non sans être consciente du contexte de l’effervescence collective qu’elle souhaite allumer : « Le contexte des années 20-30, précédant de peu l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, n’aurait-il pas quelques échos dans les années sombres que nous nous apprêtons à vivre ? Il y a une forme d’humilité saine dans la démarche de jouer pour faire danser les gens. Démarche qui mérite le respect, car les lindy hoppers représentent un public averti et exigeant (ils connaissent aussi bien cette musique que les musiciens) qu’il n’est pas si facile à conquérir. » Faites briller les mocassins…

Laurent Dussutour

 

The Shoeshiners Band :

  • le 18/11 au Magic Mirrors (Istres). Rens. : 04 42 02 48 17 / www.istres.fr

  • le 27/11, avec Louise & The Po’Boys : le 27/11 au Daki King (45 A rue d’Aubagne, 1er).
    Rens. : 04 91 33 45 14 / www.dakiling.com

WindoW : le 19/11 à la Scène (Aix-en-Provence), avec Olivier Lalauze Sextet dans le cadre du Festival Minutes Jazz. Rens. : 04 42 20 90 90 / http://minutesculturelles.fr/

Pour en (sa)voir plus : www.facebook.com/martinez.alice

Appel à financement participatif : https://fr.ulele.com/shoeshiners/