16b éditions

Identité Remarquable | 16b Éditions

Sacré numéro !

 

Livres photos, bougies selfies, stickers écolos et écharpes de foot… C’est dans un quotidien léger, parfois sarcastique, toujours esthétique et pas moins engagé que le duo de 16b Éditions puise ses inspirations. Inventives et avec plus d’un tour dans leur sac, Angela Netchak et Lou Mérie font du second degré un moyen de réflexion singulier cher à leur signature.

 

 

Rencontrées aux Arts Décoratifs de Strasbourg, les deux artistes ont d’abord été colocataires avant de très vite s’entendre sur leurs pratiques respectives. Lou, photographe spécialisée en livre/reliure, et Angela, graphiste orientée en communication, se montrent régulièrement leurs travaux. « On rigolait des mêmes choses, et on trouvait qu’il y avait un truc qui fonctionnait vraiment bien dans nos recherches. Notre ton était similaire, nos pratiques complémentaires. »

À l’été 2019, elles voient passer une annonce pour un salon de fanzines et micro-édition à Marseille (Rebel Rebel, devenu Trafic, ndlr)… « C’était l’occasion de montrer notre travail en dehors d’un milieu scolaire où tu sens que tu dois souvent le justifier, qu’il est “évalué” par des jurys… Pour la première fois, on serait entourées de personnes qui font la même chose, dans un but de trouver et toucher un public. C’est dur en école d’art d’envisager comment gagner sa vie. La micro-édition nous semblait être une bonne idée, on s’est lancées en étant motivées et super enthousiastes mais sûres de rien ! » Elles décident de se faire confiance, portées par une bonne dose d’adrénaline. En une soirée, leur dossier de présentation est bouclé, la page Instagram en ligne et le nom trouvé : ce sera 16b, l’adresse à laquelle elles résident et connue de tous leurs copains, depuis laquelle leur joli duo est né.

Leurs premières publications, Comment vous voir, une série de photos à Jérusalem qui donne à voir les femmes quand la religion l’interdit, et Des hommes et des bêtes, qui retrace une année de profils Tinder où des hommes mettent en scène leurs corps, sont tirées en plusieurs exemplaires et présentées au mois de septembre au salon. « On a charbonné tout l’été pour que ce soit possible, en pensant à d’autres formats, notamment un atelier auquel les visiteurs pourraient participer. C’était important pour nous de rassembler un public autour de quelque chose de ludique. » Pour accompagner leur bougies-selfies — qui questionnent encore une fois la (re)présentation de soi —, elles installent un studio permettant à ceux qui le souhaitent de se prendre en photo et d’imprimer dans la foulée le cliché sur le précieux cierge. « Même les techniciens du salon venaient nous voir, et là on a compris que ce qu’on faisait pouvait toucher tout le monde. »

Pour ce qui est de leur public donc, pari réussi. Le carnet de coloriage anarchiste ou la collection de parodies pornos fait rire les adultes avertis, les déclinaisons de kippas ont ce qu’il faut de religieux, le recueil de commentaires du compte Instagram de Macron un air de feuilleton absurde… Parce que toujours décalés, ces objets de réflexion dont les lecteurs jeunes et moins jeunes s’emparent ont une portée humoristique tout en interrogeant sur nos sociétés actuelles. « Le politique nous interpelle, mais sans que ce soit tout à fait intellectualisé de notre part. Plus simplement, l’une de nous a une idée, est inspirée par un phénomène, et le partage à l’autre. C’est donc assez spontané et instinctif, et on tient à ce que ça le reste. Après, il y a bien sûr l’épreuve du crash test : voir si ça a un impact, si ça fonctionne. On fait référence à certaines choses qui sont de l’ordre du bagage culturel, mais ça reste accessible — en termes de prix également — et on ne veut pas se positionner comme un truc de niche ni conceptuel. C’est là où on est trop heureuses d’avoir trouvé notre public, car ce qui nous fait rire fait rire les autres. Greta qui pleure sur les stickers pour interrupteurs, ça touche les écolos mais aussi les cyniques ! Après, il y a évidemment des limites en fonction des sujets que l’on traite, on doit s’adapter et trouver un équilibre… »

Entre la fin de l’école et des périodes de confinement, c’est finalement à Marseille que Lou et Angela s’installent, après quelques mois d’entre-deux. Toujours colocataires et en résidence à Artagon depuis l’été 2021, elles ont profité de ce cadre idéal pour sceller davantage leur projet. « Le fait que cette demande de résidence soit validée par un organisme institutionnel a en quelque sorte rendu notre travail plus légitime. L’équipe d’Artagon n’a cessé de nous encourager, nous a aidées dans nos démarches administratives et rappelé notre potentiel… On a donc mis 16b au premier plan pour s’y consacrer pleinement, et commencé à trouver des endroits où vendre nos productions entre Paris, Marseille, Montpellier et Bordeaux. » Rapidement, les deux amies reçoivent de nombreuses demandes de collaboration. Pour l’édition 2022 de Parallèle (festival de pratiques artistiques émergentes et internationales, ndlr), elles accompagnent le collectif Contemporaines — engagé dans la lutte pour l’égalité des genres dans l’art contemporain — lors d’une performance guet-apens, armées de pistolets distributeurs de billets. Dramaqueer FC, l’équipe de foot queer de Marseille, a quant à elle flashé sur l’écharpe Ultra Mantra, et commandé à 16b un design sur mesure pour leur club. À l’occasion des portes ouvertes d’Artagon fin août 2022, les deux artistes imaginent un poker éditorial, rassemblant leurs productions, qu’elles mettent également en place lors de l’exposition Murmurations – volet 2, proposée par l’association Fraeme à la Friche de la Belle de Mai. « Cette carte blanche a été un vrai plaisir pour nous, une manière de réfléchir à comment nous présenter autrement qu’en salon. À Artagon comme à la Friche, on a vu les gens toucher nos objets, rire, se les partager… sans être derrière un stand à visée commerciale. On a eu un super accueil avec ce format, on a même organisé des bingos avec nos lots à gagner ! »

Depuis quelques mois, Lou et Angela interviennent sur des ateliers avec des adolescents et jeunes étudiants, dans différents quartiers à Marseille. « Cette fois, on se positionne comme médiatrices plutôt qu’artistes, et c’est très intéressant d’accompagner ces jeunes dans leur créativité. » Avec ce duo à la personnalité ingénieuse, on veut bien croire que ce soit réciproque !

 

Hermine Roquet Montégon

 

 

Rens. : www.instagram.com/16beditions

Points de vente : Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e) et Agent Troublant (7 rue Pastoret, 6e).

Le duo d’artistes est actuellement en résidence à Artagon : 13 boulevard Jean Bouin, 14e.