Prêt à baiser de Olivier Dubois © Boris Munger

Festival + de danse

L’homme qui venait d’ailleurs

 

Pour l’édition 2016 de + de Danse à Marseille, il sera beaucoup question du rapport à la musique et de quel côté se trouve la partition. De Stravinsky à Debussy en passant par Wagner, Bach, Ravel et Schubert, ce n’est pas un retour en arrière qui nous est proposé, mais plutôt une présence d’aujourd’hui qui se confronte à l’histoire.

 

Klap se veut un laboratoire de la danse : des studios aux espaces larges, des gradins sans siège à la manière d’un campus américain. Le public s’assied ou s’allonge pour découvrir des œuvres en gestation, des danseurs en formation et des chorégraphes invités qui donnent le « la ». Cette année, Michel Kelemenis invite Olivier Dubois, le directeur du Centre national chorégraphique du Nord-Pas-de-Calais avec trois pièces (Prêt à baiser, A nos faunes et Mon élue noire). « Bien triste est celui qui danse avec son corps » : cet adage d’Olivier Dubois résume à lui seul l’énergie qui emporte cet homme sans limite. Celui qui a su dire, au-delà des préjugés sur son corps, sa détermination à vivre sa passion de danseur et de chorégraphe, alliant la technique du classique, la souplesse du contemporain et surtout un mental hors norme. Oui, le danseur est un être réfléchi qui appréhende l’espace dans la lecture, la recherche et l’histoire de la danse. Non, le danseur n’est pas une petite chose fragile qui se tire la jambe devant le miroir. Les questions existentielles des coulisses de Chorus Line sont désormais dépassées. Le petit homme a su dans Faune(s), inspiré librement de l’œuvre de Nijinski, outrepasser la légalité et l’acceptable dans une grâce unique, dans un moment d’oscillation entre l’émerveillement, la mégalomanie et le fou rire. Olivier Dubois est unique parce qu’il est le seul de sa génération qui ose l’irrespect et surtout qui se cogne à l’histoire de la danse et du répertoire, sans détour et sans faux semblant. Pas de cigarette sur scène pour détendre l’atmosphère. Le dialogue ne comble pas le temps, le corps ose affronter la difficulté, l’épuisement, la confrontation du partenaire dans un pas de deux qui nous rappelle Fred Astaire et Ginger Rogers (L’Homme de l’Atlantique). On dit de Franck Sinatra qu’il était « The voice ». Olivier Dubois est la danse dans sa plus belle expression, celle qui conduit un homme, déjà majeur, à plaquer ses études pour aller vers un désir et le besoin de savoir ce qui se cache dans son corps. Est-il agréable à vivre ? On s’en moque. Est-il mégalo ? On s’en moque également. Seule compte la présence au lever de rideau. Là où tout se joue et où il n’est plus question de faire marche arrière. Dans un déboulé jeté, il défie l’apesanteur. Dans le rapprochement imperceptible d’un baiser, il défie aussi l’apesanteur. Il lui faut maintenant gérer le désir d’un public qui se presse pour le voir et qui se révolte quand il s’agit d’un autre sur scène (Tragédie).

Karim Grandi-Baupain

 

Festival + de danse à Marseille : du 25/02 au 31/03, à KLAP, Maison pour la Danse (5 avenue Rostand, 3e) et au Théâtre des Bernardines (17 Boulevard Garibaldi, 1er).
Rens. : 04 96 11 11 20 / www.kelemenis.fr

Le programme complet du festival + de danse à Marseille ici