Edito n° 174

Edito n° 174

Un mercredi comme un autre à la rédaction du journal :
Une pigiste (perplexe) : « Tiens, mais que fait Elodie Frégé dans Ventilo ? »
L’auteur de la chronique (perplexe) : « Et pourquoi pas ? »
En effet : pourquoi pas ?

Une paire de schizos

Un mercredi comme un autre à la rédaction du journal :
Une pigiste (perplexe) : « Tiens, mais que fait Elodie Frégé dans Ventilo ? »
L’auteur de la chronique (perplexe) : « Et pourquoi pas ? »
En effet : pourquoi pas ?
Mine de rien, ce bref échange surréaliste (ou dialogue de sourds) est révélateur d’une forme de schizophrénie caractéristique de notre époque, voire d’une génération, et assurément, de notre rédaction. Une rédaction qui ne se prive jamais de fustiger le grand Capital (voir tous nos éditos), mais qui ne louperait pour rien au monde la saison 3 de The Wire sur le câble. Une rédaction qui aimerait bien se draper dans sa fierté et refuser certaines campagnes publicitaires avec de vrais morceaux de connerie dedans, mais soyons lucides : peut-on encore, à l’ère de You Tube et des blogs, faire une conférence de rédaction à la lampe à pétrole, imprimer le journal à la craie (ou mieux, le sculpter au burin) et s’envoyer des mails par pigeons voyageurs[1] ?
Une époque merveilleuse où l’on suspend pour dopage au cannabis un joueur de fléchettes mais où l’on décore Poutine de la Légion d’Honneur. Une époque où, guidée par des médias soumis, la France se passionne plus pour les mérites comparés des talon(nette)s de Nicolas et Ségolène que pour la vingt-et-unième saison des Restos du Cœur. Bref, une époque où il paraît difficile de trouver sa place, et encore plus une ligne éditoriale cohérente.
Nous savons seulement que nous avons choisi d’être libres. Quitte à en payer le prix. Quitte à fricoter avec le diable (qui ne s’habille pas qu’en Prada). Parfois en jouant de cette schizophrénie, par exemple en publiant un édito éco-citoyen mitoyen à un encart publicitaire vantant les mérites d’un crédit à la con-sommation.
Et, notre liberté consiste à ne rien s’interdire : pas plus Elodie Frégé que le nouveau chef d’œuvre de Scorsese, qui n’est pourtant plus à proprement parler l’exemple-type de cette contre-culture américaine que nous chérissons tant.
Evidemment, nos choix rédactionnels se portent plus volontiers vers ceux dont nous nous sentons proches. Géographiquement d’abord, en soutenant des actions comme celles du label Lollipop par exemple. Artistiquement, bien sûr (cf. la magnifique couverture réalisée par l’artiste Jean-Michel Bruyère). Enfin — et peut-être surtout — politiquement, et pas seulement parce que l’approche des Présidentielles inspire particulièrement la création artistique locale (I like Politique & Politique likes me). En partant simplement du principe que la culture est par essence politique. Et ce, même si la panoplie de « rebelles de supermarché » (vous devriez voir notre graphiste avec sa combi lycra frappée d’un T qui veut dire Trust, sa cape et ses bottes) que nous revêtons volontiers lorsque nous nous posons en ardents défenseurs des intermittents[2] et/ou des structures qui se meurent[3] (par la faute d’une entreprise qui pourrait un jour devenir l’un de nos annonceurs…) nous saoule un peu. Même si on préfère l’ironie et le cynisme désabusé.
Mais, parce que ce journal est avant tout une affaire d’êtres humains, nos choix sont d’abord personnels, donc totalement subjectifs. Un peu à l’instar de ces comiques de service (après-vente) qui ne jettent rien et que nous affectionnons particulièrement pour leur liberté (ce que d’aucuns appelleront du m’en-foutisme), nous nous permettons aussi de vous faire part de passions inavouables pour le commun des mortels de gauche : oui, nous aimons Justin Timberlake ! Nous l’aimons autant que ce festival local qui exalte notre imaginaire (Laterna Magica), autant que les plantigrades canadiens de Grizzly Bear. Et autant qu’Elodie Frégé. Schizo, Ventilo ? Oui, un peu. Beaucoup. Passionnément[4]

Texte : CC/HS
Illustration : dB/HS

Notes

[1] La rédaction certifie qu’aucun animal n’a été maltraité pendant le bouclage.

[2] Journée de mobilisation ce mercredi 6 dès 13h30 sur le parvis de l’Opéra.

[3] Grande fête de soutien au Comptoir Toussaint/Victorine (29 rue Toussaint, 3e) lundi 11 dès 14h30. Rens. 04 91 50 77 61.

[4] A tel point que la rédaction se déchire à minuit passés sur le fond de cet article, notre super héros graphiste, super énervé, nous opposant de super arguments qu’il développera plus tard ici même.