Edito 259

Edito 259

Des lendemains qui déchantent

Au lendemain des Régionales, nous nous réjouissions de la victoire massive de la gauche, ou plutôt de la sévère raclée de la droite, pensant (naïvement, sans doute) que nos dirigeants prendraient acte de ce que l’ensemble de la classe politique appelle « le message des Français ». Au-delà du fait que le peuple français paraît quand même le mieux placé pour connaître ledit message et qu’il n’a pas besoin de politiciens pour jouer les « Champollion d’un genre nouveau » (1), force est de constater que les conséquences de la débâcle électorale se sont avérées pour le moins étranges. Sans parler d’un remaniement ministériel que ne renieraient pas nos voisins grolandais (dont le président Salengro a parfaitement résumé le principe : « J’ai viré le connard et j’ai pris l’autre con »), les mesures prises par nos gouvernants se sont résumées à une remise en cause du Grenelle de l’environnement via le report sine die de la taxe carbone (mais un maintien du bouclier fiscal, il ne s’agirait pas de se fâcher avec ceux qui votent encore à droite…) et des projets de loi dont l’urgence reste à prouver (l’interdiction de la burqa, la réouverture des maisons closes). Mais ce que l’on retiendra surtout, c’est le cap « à droite toute » du gouvernement avec le maintien de réformes pour la plupart iniques, à commencer par celle des collectivités territoriales, justifiée sur tous les plateaux télévisés par des sentences faciles du genre « Les Français n’y comprennent rien, c’est d’ailleurs pour ça qu’ils n’ont pas voté ». Avant que les Français comprennent, il s’agirait peut-être qu’ils soient au courant ; or, le texte de loi a été adopté presque en catimini par le Sénat au début du mois de février. Et si le débat est loin d’être achevé (deux projets de loi sont encore à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour le mois de mai), on imagine les fâcheuses répercussions de cette réforme, notamment pour le monde culturel. Comme le rappelait Michel Pezet la semaine passée, la création des métropoles et du conseiller territorial (destiné à remplacer les conseillers régionaux et généraux en 2014) se traduirait inéluctablement par une nouvelle baisse, voire une éradication pour certains, des budgets alloués à la culture par les différentes collectivités territoriales (2). Imaginons un paysage culturel amputé de toutes ses « petites » structures qui en assurent la richesse et l’éclectisme. Imaginons un spectacle vivant ravagé et réservé à ceux qui peuvent se le permettre. Bienvenue en Sarkozie !

CC

Notes
  1. Pour reprendre la formule de Mathieu Lindon dans son excellente chronique parue dans Libération, le 27 mars dernier, sous le savoureux intitulé « Merde à celui qui lira ce message » : http://www.liberation.fr/chroniques/0101626949-merde-a-celui-qui-lira-ce-message[]
  2. La culture est une compétence dite « générale », à savoir partagée par les différentes collectivités, qui allouent des subventions à discrétion. Après la réforme, cette compétence pourrait se voir attribuée à une seule collectivité.[]