Dubmood, avec Confipop le 27 et avec JDDJ3J le 28 mars à l’Intermédiaire

Dubmood, avec Confipop le 27 et avec JDDJ3J le 28 mars à l’Intermédiaire

L’art du détournement

Les musiques actuelles n’ont plus de secrets pour vous ? Vous pensez tout connaître de ses acteurs et de ses outils ? Le Micro Festival de Micro Musique, programmé par le génial Dubmood à l’Intermédiaire, risque de se jouer de vos certitudes. Rencontre avec un artiste — et une musique — pas comme les autres.

dubmood.jpgOn a pour habitude de dire que le musicien « joue ». Pourtant, même en observant de près les acteurs des musiques urbaines, on a souvent du mal à percevoir la dimension ludique de leur pratique. Détachement ? Concentration ? On ne saurait expliquer pourquoi la joie enfantine de « jouer » a déserté à ce point les live-act et dj-set auxquels nous assistons régulièrement. Avec Dubmood, nous retrouvons enfin, conjugués au présent, la musique, le plaisir et le jeu. En effet, ce jeune artiste suédois, installé à Marseille depuis peu, utilise une Gameboy pour composer ses morceaux… Oui, vous avez bien lu : une Gameboy, cette petite console déjà ancienne qui a peut-être rythmé votre enfance ou votre adolescence. On appelle cela de la chipmusic, et Dubmood est certainement l’un des leaders de cette scène trop méconnue. Si la pratique nous paraît nouvelle, elle est pourtant née il y a plus de vingt ans à Gotebörg avec des petits génies de l’informatique primitive qui, à l’image des hackers informatiques, sont entrés au cœur de la Gameboy pour en détourner les fonctions. Ces remarques friseraient l’anecdote si les morceaux ainsi composés ne dépassaient le stade de la joyeuse, mais vaine, expérimentation. Au-delà de la surprise des moyens utilisés, ce qui nous frappe dans la musique de Dubmood, c’est son efficacité. Impossible de résister à ces assauts rythmiques qui se révèlent parfaitement jouissifs à l’heure tardive où nous ne percevons la musique qu’à travers notre corps. Impossible aussi de faire la différence entre ces bombes dancefloor, généralement orientées électro-techno et produites grâce à ce matériel vintage, et des morceaux produits à l’aide des derniers logiciels informatiques. L’UDCM ne s’y est pas trompée en le sélectionnant pour le prochain Printemps de Bourges dans la catégorie « révélation ». Voir Dubmood sur scène, c’est éprouver successivement de la surprise, de la stupéfaction, puis de l’admiration. On continue à se demander comment un appareil aussi rigide et limité qu’une Gameboy peut produire des sons aussi efficaces et actuels… Dans le paysage actuel uniformisé, Dubmood apparaît comme une sorte de Mc Giver de l’électronique, capable de sonner bien plus fort que Justice ou Simian Disco avec une boîte en plastique et deux fils. Rares sont les artistes à pouvoir associer la musique à une démarche originale et subversive. Si on a pu célébrer dans le scratch la transformation d’un instrument de lecture en un instrument de création (1), ou dans l’acid-house la dénaturation d’un générateur de basses (2), nous avions alors à faire à deux outils qui avaient un lien étroit avec la musique. Transformer une Gameboy en un instrument de musique relève d’une subversion bien plus radicale, bien plus profonde, qui rappelle le piano arrangé de Cage ou bien d’autres expériences contemporaines. Votre visite au festival de Micro Music ce week-end à l’Intermédiaire, où se produiront Dubmood et ses invités, dont Confipop et JDDJ3J (pour Je Deviens Dj en Trois Jours), risque de changer considérablement votre perception des pratiques musicales actuelles, dont la chipmusic représente certainement le courant le plus aventureux.

nas/im

Dubmood, avec Confipop le 27 et avec JDDJ3J le 28, à 21h à l’Intermédiaire

Notes
  1. La platine vinyle, jusque-là instrument de lecture, est bien vite devenue un nouvel outil de création sonore.[]
  2. La légende raconte que Dj Pierre et Spanky, déçus par l’achat d’une TB 303 (basse synthétique créée par Roland), ont décidé de s’amuser avec le clavier lors d’une soirée bien arrosée et découvert des sons très aigus en poussant les boutons au maximum. L’acid-house était née.[]