Cabaret New Burlesque © Julien Weber

Cabaret New Burlesque au Théâtre du Gymnase

L’Interview
Pierrick Sorin

 

Réunies pour un nouveau show, les girls du Cabaret New Burlesque, rendues célèbres par le film Tournée de Mathieu Amalric, reviennent émoustiller le public du Gymnase. Cet effeuillage sexy, à l’instar des cabarets des années 50, s’offre une nouvelle image, celle du lunaire Pierrick Sorin, figure incontestée de l’art vidéo et contemporain. Ce Nantais réservé, bricoleur d’univers et fou de technologies, a pigmenté les numéros de ces dames de fantaisies hautes en couleur et d’humour cocasse.

 

Qu’est-ce qui vous a décidé à collaborer avec Kitty Hartl, directrice artistique du cabaret ?
Nous nous entendions bien lorsqu’elle était la directrice artistique du Lieu Unique à Nantes, où j’ai exposé plusieurs fois. L’entente est un élément très important pour une collaboration, parfois même plus que le sujet. Et je suis comme beaucoup d’artistes : le fait de mettre en scène des corps qui se dénudent est toujours un sujet attractif. J’étais aussi séduit par l’idée que les filles formaient un groupe, un peu rock’n’roll, mais chacune avec sa personnalité, certaines avec des attitudes plus relâchées, d’autres plus accrochées à leur image.

 

Comment avez-vous fait pour marier le côté burlesque de vos installations et le new burlesque du cabaret ?
J’avais une très grosse contrainte au départ, celle de devoir m’adapter aux numéros déjà créés et de suivre leur scénario. Mais il a été facile de trouver des correspondances entre les deux univers. Il suffisait d’imaginer quelque chose de rigolo et d’esthétique à la fois. Le plus compliqué a été de le concevoir en un temps record, à peu près une dizaine de jours, moi qui suis habitué à travailler sur des opéras où nous répétons pendant deux mois.

 

Quels dispositifs visuels avez-vous choisis pour vous immiscer dans l’univers des filles et celui du strip-tease ?
Quand je travaille sur des mises en scène, je fais souvent la même chose, non par fainéantise, mais parce que cela va de soi : les personnes sur scène se retrouvent devant une ou plusieurs caméras, puis leur image s’intègre en direct dans un décor qui va lui-même être créé sur la scène. C’est une double mise en scène, celle de l’artiste sur le plateau et celle à l’intérieur de l’image. Les femmes sont donc à la fois elles-mêmes et les comédiennes du film que j’invente. Mon travail s’inspire beaucoup des débuts du cinéma, des trucs à la Méliès qui sont relativement simples et naïfs.

 

N’avez-vous pas eu l’impression de mettre en scène un grand théâtre optique avec des figures vivantes au lieu de personnages filmés ?
Oui, en effet. D’ailleurs, j’ai une exposition en ce moment à Paris (1) où il y a même une prostituée miniature en vitrine. Il y en a une autre en hologramme à sa vraie taille dans une vraie vitrine dans une rue. Cela se rejoint. C’est le directeur artistique des Galeries Lafayette de Paris, Jean-Luc Choplin — devenu depuis directeur du Théâtre du Châtelet —, qui a eu l’idée de me commander des théâtres optiques. Ensuite, il m’a proposé de réaliser en grand pour des opéras ce que je faisais en petit dans les vitrines des Galeries Lafayette. Il a tout de suite vu le rapport poussé entre la scène et les mini-théâtres.

 

Votre univers semble correspondre à la définition que donne Kitty Hartl du new burlesque : générosité, exubérance, liberté de corps et d’esprit, ironie, satire, humour, engagement politique…
Oui, on retrouve les mêmes ingrédients. Mais chez moi, c’est un peu plus intello. Même si cela ne se voit pas forcement, il y a de la philosophie derrière. Il y a une forme d’engagement politique, car je fais un travail non élitiste mais qui n’est pas « bassement populaire », dans le sens de tirer vers le bas. Il y a de la générosité aussi parce que je fais rire. Je pense beaucoup à la satisfaction du public. Là, je me suis retrouvé un peu en décalage avec le cabaret burlesque parce que c’est plus directement très populaire.

 

En 2013, Marseille a connu l’Invasion! Pierrick Sorin. Est-ce que vous envisagez prochainement une nouvelle conquête de la ville ?
Pourquoi pas ? C’est une ville que j’aime bien et je reviendrais volontiers y faire des choses.

 

Dans votre exposition à la galerie Lieu unique, qui se tient actuellement à Paris, l’un de vos théâtres optiques représente un personnage qui patine sur un savon de Marseille. Est-ce une vision de notre ville ou du monde en général ?
Je n’ai pas du tout pensé à Marseille en l’utilisant ! C’est tellement universel, cela transcende complètement une réalité de la ville. J’ai fait une photo pour la communication de l’exposition où on voit un savon de Marseille, mais je n’ai pas pu l’utiliser car il n’était pas à la bonne taille. J’en ai finalement utilisé un qui s’appelle Le Petit Marseillais sur l’étagère de la salle de bains. Il faudrait peut-être que je me fasse sponsoriser par des grosses entreprises de savons très riches ! (Rires.)

 

Quels sont vos projets ?
Je n’ai pas énormément de projets cette année, à part un opéra en création, une opérette d’Offenbach La Belle Hélène pour le Châtelet et une exposition qui se profile aux Etats-Unis. Mais je ne m’en plains pas, cela me laisse le temps de ranger chez moi, de fabriquer une étagère pour poser mes savons. Une vraie, pas une œuvre d’art. (Sourire.) Je suis un bricoleur plutôt approximatif, ce sont souvent des constructions pleines de défauts, mais elles ont le mérite d’être adaptées à mes besoins.

Propos recueillis par Maryline Laurin

 

Cabaret New Burlesque : jusqu’au 7/02 au Théâtre du Gymnase (4 Rue du Théâtre Français, 1er). Rens: 04 91 24 35 24 / www.lestheatres.net

Pour en (sa)voir plus : www.cabaretnewburlesque.net

 

 

Notes
  1. Je reviens à 19h de Pierrick Sorin : jusqu’au 28/02 à la Galerie Pièce Unique (4 rue Jacques-Callot, 75006). Rens. : www.galeriepieceunique.com[]