Ça planche n° 202

Ça planche n° 202

A semaine particulière, Ça planche exceptionnel : ces jours-ci, le théâtre de recherche s’invite dans trois lieux autour de deux rencontres prometteuses : les Informelles et les Rencontres à l’échelle.

A semaine particulière, Ça planche exceptionnel : ces jours-ci, le théâtre de recherche s’invite dans trois lieux autour de deux rencontres prometteuses : les Informelles et les Rencontres à l’échelle.

Le lien entre les deux manifestations ? On pourrait citer Gracq : « Le grand chemin (…) celui qui traverse et relie les paysages de la terre. Il est aussi (…) celui du rêve, et souvent celui de la mémoire. (…) Il est aussi celui de la lecture et de l’art.[1] » Pour les dix ans des Informelles, les Bernardines qui, pour des raisons de sécurité, ont délocalisé leurs spectacles à l’Espace Julien et à la Minoterie, présentent six propositions et autant de « work in progress » — hormis Igishanga et La petite au chaperon rouge, spectacles déjà « rodés » mais qui vont s’efforcer de retrouver la dynamique du processus de création — pour un plateau unique. Il y a là Gravité, un récit sur le mode du « je », sur la dignité de l’homme, à partir du témoignage de deux rescapées du génocide rwandais recueilli par Jean Hatzfeld (Dans le nu de la vie), où la gestuelle et le corps tentent d’incarner à eux seuls l’Afrique et son histoire. Mais aussi Lady Macbeth’s Factory, une interrogation sur la possibilité d’incarner le personnage shakespearien, et La petite au chaperon rouge, à la démarche proustienne — le spectacle part « à la recherche de ce qui est absent : le loup » — avec, en toile de fond, le syndrome du Petit Poucet. Ou encore Don’t Kick the Hammer de Davis Freeman, sur les valeurs d’aujourd’hui (doit-on arrêter de se taper la tête contre les murs ?!) et Parole de Petit bricoleur, par la compagnie L’art de vivre (qui créera par ailleurs La revue Sérénade), qui cherche à élever le bricolage au rang d’art conceptuel. Enfin, le documentaire fleuve de Jean-Luc Godard, Histoire(s) du cinéma, un mythe cinématographique commencé en 1987 avec la collaboration d’Henri Langlois de la Cinémathèque de Paris — notons que la projection ne sera pas suivie de conférences ou de débats pour ne pas tomber dans le didactisme.
Parallèlement, aux Bancs Publics, lieu d’expérimentations culturelles, se tiendra la deuxième édition des Rencontres à l’échelle, soit près de trente artistes sur dix jours, déclinant l’expérimental, la transdisciplinarité et l’inscription au monde à travers quinze propositions, relevant aussi bien de la performance que des arts plastiques ou du spectacle vivant. Avec en guise de filets de protection, les pensées philosophique, scientifique ou encore sociologique. On pourra ainsi voir Sans aplats, une création de la compagnie L’orpheline est une épine dans le pied, à mi-chemin entre le théâtre et l’installation, l’enquête et la rêverie, Marseille et Alger, interrogeant la signification et la symbolique des immenses cabas que charrient les voyageurs en direction du Maghreb. Notons aussi, au hasard des propositions, l’installation-performance du collectif lyonnais Labelm Ce doit être ennuyeux pour toi, variation transdisciplinaire sur la figure de Done Elvire[2], ou encore, en guise de clôture, un concert pour flûtes traversières, orgue et batterie par le Sylvaine Helary trio. En bref, un programme certes chargé, mais qui réserve sans doute d’étonnantes découvertes et d’agréables surprises.

Hélène Pastre

Les Informelles, du 19 au 24 à l’Espace Julien et à la Minoterie. Rens. 04 91 24 30 48 Les Rencontres à l’échelle, du 17 au 27 aux Bancs Publics. Rens. 04 91 64 60 00

Notes

[1] in Carnets du grand chemin (Corti, 1992)

[2] La femme de Dom Juan dans la pièce éponyme de Molière, incarnation de l’idéologie morale et religieuse de la noblesse du XVIIe siècle.