Ça planche 220

Ça planche 220

ca-planche-220.jpg

Elephant People
_ Création par la Cie Ouvre le chien
Partant du principe qu’« on est toujours le monstre de quelqu’un », Renaud Cojo compose un spectacle hybride qui tient autant du Rocky Horror Picture Show que du cabaret. Autour du personnage fondateur de John Merrick — campé par John Hurt dans l’Elephant Man de David Lynch — la pièce présente un panel d’êtres « monstrueux ». Avec Daniel Keene pour le texte et The Married Monk pour la musique (live), Cojo compose un opéra pop déjanté et dérangeant où se croisent les parcours de « monstres » célèbres : femme à barbe, homme-éléphant, frères siamois… Sous forme de dialogues parlés et chantés, la pièce met en scène un talk-show télévisé en train de se tourner. Là où les différences visibles suscitent tout à la fois effroi, dégoût et mépris, Keene appuie là où ça dérange, nous renvoyant à notre fascination obscène pour l’étrange(r). Et si le dernier avatar de la fascination pour la monstruosité se logeait tout simplement dans la boîte à images qui trône dans nos salons ?
_Les 27 & 28 au Théâtre du Merlan

Stand up
_One man show de et par Tomer Sisley
Trente ans et des poussières, un sourire à se damner, des yeux pétillant de malice, un joli sens de la répartie et une définition de l’humour à laquelle on ne peut qu’adhérer — « C’est encore plus simple que ce que disait Desproges (ndlr : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui »). On peut rire de tout à partir du moment où c’est drôle » — : Tomer Sisley a tout pour nous plaire. Outre sa double origine sémite (musulman par son père, juif par sa mère), qui lui permet de faire feu de tout bois (« Si je devais respecter les interdits de mes deux religions, le seul truc que j’aurais le droit de faire, c’est de boire un verre d’eau le mercredi soir au coucher du soleil ! »), ce fils spirituel des grands comiques noirs américains (Richard Pryor, Eddy Murphy), nourri aux parodies des Inconnus puis des Nuls, fan de Timsit et de l’impertinent Dupontel, a plus d’une corde à son arc. Son célibat, le cul, les mecs qui démarrent, la pub… Pendant plus d’une heure, l’homme décoche ses flèches en jouant avec le public. Qui, en toute logique, en redemande.
_Le 27 à l’Espace Julien

Debout !
_One man show de et par Christophe Alévêque
« N’oublions jamais que c’est la tortue qui a gagné. Et moi, ça m’arrange. » A elle seule, cette petite phrase résume sans doute la philosophie de Christophe Alévêque. Dans son spectacle Debout !, l’humoriste cathodique se moque de tout et de tout le monde, des femmes (« Va faire prendre la pilule à une chèvre, surtout si elle est amoureuse. Déjà qu’avec les femmes on a mis 2 000 ans… ») à la religion (cette « vague rumeur persistante »), en passant par les chiens (« vessies à poils »), la paranoïa ambiante ou les politiques de tous bords. Car ce qui fait la force du bonhomme, c’est son analyse grinçante de notre époque (« T’es d’humeur moyenne, comme le siècle… Tu positives quand même, parce que t’es con ») et de notre lamentable classe politique, qui lui permet d’enchaîner humour potache et provocations, jeux de mots désopilants et saillies spirituelles. Et même s’il en fait parfois trop, gageons que l’actualité saura donner un nouvel élan à son spectacle anti-politiquement correct et méchamment jouissif.
_Le 29 à l’Espace Julien

Monsieur Armand dit Garrincha
_ Monologue de Serge Valletti par la Cie Tanit Théâtre
Ou l’improbable aventure d’un fan de football devenu patron de bar, rêvant sa vie en grand footballeur de derrière son comptoir. Galéjades, racontars… Ça déblatère et ça pécore comme au zinc. Monsieur Armand est une pièce vernaculaire, renvoyant à une action de football sur un terrain — feintes, passes, divagations et développements qui rebondissent aussi vite qu’un ballon rond —, dont le texte s’avère aussi accidenté que le parcours de son auteur, Serge Valletti, ancien chanteur rescapé des sixties qui s’essaie au théâtre comme on tâte le terrain, avec bonhomie et sans rien à perdre. Trente ans de créations poétiques et de soli monologués au comptoir, des pièces qui se jouent sur un tas de charbon ou à la lueur de la bougie pour deux spectateurs… Chez ce Monsieur Armand, mis en scène par Eric Louviot, cela donne une errance fantasmée qui rejoint la fable. Le rire et le tragique se télescopent, dans une création douce-amère comme le souvenir, possible comme un fait-divers, invraisemblable et fantasque comme les projections de l’enfance.
_Du 1er au 5/04 à la Friche du Panier (programmation : Théâtre de Lenche)

CC/BJ