A.L.I.C.E. présenté à la Cartonnerie

A.L.I.C.E. présenté à la Cartonnerie

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C’est tant de réflexion

S’inspirant librement de Through the looking glass and what Alice found there de Lewis Carroll, A.L.I.C.E enchaîne absurde, inversions et oppositions dans les yeux et les oreilles de spectateurs peu à peu délivrés de leur rationalité.

On ne compte plus les adaptations dont a fait l’objet Alice au Pays des merveilles, au cinéma comme au théâtre. L’univers fantastique de Lewis Carroll est si riche qu’il a même inspiré Gilles Deleuze et Jacques Lacan ! Ici, sous la houlette de son metteur en scène Benoît Bradel, la compagnie Zabraka adapte librement la suite des aventures de la fillette qui, ayant réussi à traverser le miroir, y découvre un autre monde, métaphore du passage à l’âge adulte. Dès les premières mots des trois comédiennes énergiques qui jouent Alice à tour de rôle, le spectateur est plongé dans le règne de l’absurde et du mariage d’oppositions. L’anglais côtoie le français au sein de mêmes phrases et le discours scientifique, clin d’œil à la profession de Carroll (qui était aussi mathématicien), est ponctué d’irrationalité. La pièce se joue aussi de l’ordre de l’espace et du temps, à l’instar de son auteur qui écrivait des lettres en commençant par la fin. Ici, les Sex Pistols viennent par exemple rendre visite au XIXe siècle d’Alice. Sur scène, l’inversion est également de mise. Tandis que des projections vidéos reflètent les comédiennes sur grand écran, les lettres géantes A, L, I, C, E, suspendues au-dessus du sol, sont bientôt remplacées par une trapéziste. Au-delà de ce mélange des genres, narratifs et visuels, le périple d’Alice se déroule en séquences, comme dans une partie d’échecs. « Je vois tout. Le monde est un échiquier… Je veux jouer. Je veux bien être un pion… » Le dispositif scénique est le reflet du jeu, avec un sol carrelé de noir et blanc sur lequel évoluent reines (blanche et rouge) et fous du roi (Tweedledum et Tweedledee). Petit à petit, l’enchaînement foisonnant et ludique de discours et de situations met à mal l’esprit rationnel des spectateurs. Celui, foutraque, de Lewis Carroll est quant à lui respecté. Seul bémol, le burlesque des comédiennes a beau être universel, la pièce, censée être accessible dès l’âge de huit ans, risque d’entraîner les enfants de l’autre côté d’un miroir un peu trop adulte pour eux.

Texte : Guillaume Arias
Photo : Cie Zabraka

A.L.I.C.E. était présenté les 12 & 13/04 à la Cartonnerie (programmation : Théâtre Massalia)