Koulounisation

Création (première française) : solo documentaire de et avec Salim Djaferi (1h30)

De quoi la guerre d’Algérie est-elle le nom ? Comment dit-on « colonisation » en langue arabe ? Qu’est-ce que nous fait le langage ? Que fabrique-t-il comme histoire, politique ou monde commun ? Salim Djaferi mène l’enquête, charge et décharge les mots du colonialisme au fur et à mesure qu’il compose avec d’autres récits, d’autres mots, les siens.

Découvrant Alger, Salim Djaferi explore les librairies en vain : aucun rayon sur la Guerre d’Algérie. Jusqu’à ce qu’une libraire lui signale : « Les ouvrages sur la Guerre d’Algérie se trouvent au rayon Révolution. » Évidemment : en Algérie c’était une Révolution, pas une guerre ! Qui choisit les mots pour qui ? Recouvrent-ils les mêmes faits ? Cette prise de conscience a déclenché une quête et une enquête, sur les mots relatifs à cet écart des langages. De rencontres en anecdotes, Koulounisation se nourrit des histoires des autres, et des mots que l’on emploie pour raconter ces histoires.

 

Salim Djaferi, Formé à l’ESACT – Conservatoire Royal de Liège, est acteur, auteur, performeur et metteur en scène. C’est la création in situ Almanach du Collectif éphémère Vlard qui l’impose déjà comme tête chercheuse, exigeante et engagée de la jeune scène belge. Il exprime déjà son goût pour le théâtre documenté qu’il ne cessera de développer, à la fois comme acteur et acteur/auteur.

 

Conception et interprétation Salim Djaferi
Collaborateur artistique Clement Papachristou
Regard dramaturgique Adeline Rosenstein
Aide à l’écriture Marie Alié et Nourredine Ezzaraf
Écriture plateau Delphine De Baere
Scénographie Justine Bougerol et Silvio Palomo
Création lumière et régie générale Laurie Fouvet
Développement, production, diffusion Habemus papam, Cora-Line Lefèvre et Julien Sigard
Merci à Aristide Bianchi, Camille Louis, Kristof van Hoorde et Yan-Gael Amghar

Une création de Salim Djaferi
En coproduction avec Les Halles de Schaerbeek, Le Rideau de Bruxelles et l’Ancre - Théâtre Royal de Charleroi
Avec le soutien des bourses d’écriture Claude Étienne et de la SACD,
de la Chaufferie-Acte1, de La Bellone-Maison du Spectacle (BXL/BE), du Théâtre des Doms, du Théâtre Episcène et de Zoo Théâtre.

Avec l’aide de la Fédération Wallonie Bruxelles

Friche La Belle de Mai, Petit Plateau
Le mardi 16 novembre 2021 à 21h
5/15 €
https://www.lesrencontresalechelle.com/
41 rue Jobin
Friche de la Belle de Mai
13003 Marseille
04 95 04 95 95

Article paru le mercredi 27 octobre 2021 dans Ventilo n° 453

Les Rencontres à l’Échelle

Points de vue, images du monde

 

Auscultant le monde et ses agitations à l’aune du spectacle vivant, favorisant une multiplicité de points de vue, les Rencontres à l’Échelle redimensionnent le monde à taille humaine. Tour d’horizon.

    Quand, au mitan des années 2000, Julie Kretzschmar et l’équipe des Bancs Publics décident de créer une manifestation pour donner à voir dans la cité phocéenne des œuvres singulières d’artistes de tous horizons, le nom de Rencontres à l’Échelle s’impose instantanément. Parce que plus qu’un festival, il s’agit de rencontres : avec l’autre, bien souvent celui qui vit sur l’autre rive de la Méditerranée, mais aussi avec des disciplines relevant d’autres champs que l’artistique. Et parce que le terme d’échelle, emprunté à la topographie, renvoie à une question de perception, de points de vue. Sans compter que sa racine latine scala signifie « port » ; une évidence pour l’équipe marseillaise, qui collabore alors principalement avec les scènes d’Alger et Beyrouth. Depuis, les horizons se sont encore élargis pour le bureau de production désormais installé à la Friche. Les artistes que les Bancs Publics soutiennent tout au long de l’année, via des résidences au long cours ou des coproductions internationales, viennent essentiellement de ce que Julie Kretzschmar nomme « les Suds » (Afrique et Proche Orient), mais aussi de diasporas disséminées en Europe. Chacun à leur manière, ils cherchent à interroger leurs origines, « à l’intersection des questions raciale, sociale et de genre », faisant du festival une véritable baie vitrée sur le monde et ses agitations, avec des gestes artistiques qui s’adressent autant à notre sensibilité qu’à notre intellect. Si la directrice du festival se refuse à parler d’un « focus » sur le Liban, les artistes beyrouthins viendront en nombre dans la cité phocéenne (qu’ils ont d’ailleurs été nombreux à rejoindre directement après l’explosion sur le port en août 2020), d’Alexandre Paulikevitch, figure tutélaire de la danse dans son pays, à Danya Hamoud, chorégraphe désormais installée à Marseille, en passant par Ali Chahour ou La Mirza & Rayess Bek. La jeune autrice et metteuse en scène Chrystèle Khodr vit et travaille toujours dans la capitale libanaise, développant des projets autour de la mémoire, sujet ô combien sensible dans un pays « qui ne produit pas d’histoire officielle et qui essaye même d’anéantir le travail de mémoire porté par la société civile, et dans lequel le milieu artistique est très impliqué. » Moshin Taasha vient quant à lui d’un autre pays qui a, hélas, fait la une ces derniers temps : l’Afghanistan. Alertées début juillet sur la situation politique chaotique du pays par Guilda Chahverdi (artiste et metteuse en scène qui avait curaté l’exposition Kharmora au Mucem il y a deux ans), plusieurs structures de la Friche — au premier rang desquelles les Bancs Publics bien sûr, mais aussi Triangle-Astérides — se sont retrouvées à l’origine de la mobilisation nationale pour les artistes afghans, qu’elles ont ainsi pu accueillir à Marseille juste avant la chute de Kaboul. Travaillant sur les identités cachées, Moshin Taasha proposera une variation autour de sa performance La Renaissance du rouge (couleur symbole de la mort en Afghanistan), initialement créée à Kaboul, avec de jeunes acteurs afghans réfugiés en France, accompagnés pour l’occasion d’élèves comédiens de l’ERACM. La jeunesse est justement l’une des particularités du festival, dont la plupart des artistes invités appartiennent à la génération des moins de quarante ans. De fait, ils proposent des spectacles souvent inédits, ou tout juste éclos. C’est le cas de Salim Djaferi, artiste belge d’origine algérienne, formé au théâtre documentaire auprès d’Adeline Rosenstein (une habituée des Rencontres), et dont l’histoire personnelle — une histoire de mots — éclaire la création contemporaine algérienne. En quête d’ouvrages sur la Guerre d’Algérie dans ce pays d’origine qu’il a découvert sur le tard, il fait chou blanc, pour la simple et bonne raison que là-bas, la guerre d’indépendance porte le nom de Révolution. Comme le rappelle Julie Kretzschmar, « aujourd’hui, tout ce qu’on fabrique artistiquement, politiquement, collectivement, passe par des questions de langage, qui sont des enjeux de négociation et d’affirmation. » Première création aussi pour Kenza Berrada. À l’instar de tous les créateurs trentenaires, cette jeune artiste marocaine installée à Paris ne se pose pas la question de la discipline. Impliquée dans le milieu des arts visuels et de l’art contemporain, elle utilise dans ce premier spectacle une figure mythologique, Boujloud, « l’homme aux mille peaux », pour aborder une question aussi universelle que personnelle : la violence faite aux femmes au sein de la famille. Ancien interprète de l’incontournable Faustin Linyekula, le jeune congolais Yves Mwamba fera également sa première scène en tant que chorégraphe avec Voix intérieures, un spectacle sur la façon dont la jeunesse activiste résiste et invente des modes de vie et de solidarité dans des pays comme la R.D.C. Dessinant un puzzle d’une quinzaine de projets avec un fil conducteur documentaire et politique, les Rencontres à l’Échelle mettent ainsi en écho différents récits et représentations du monde contemporain pour créer un paysage commun.  

Cynthia Cucchi

 

Les Rencontres à l’Échelle : du 9 au 28/11 à Marseille.

Rens. : 04 91 64 60 00 / www.lesrencontresalechelle.com/

Le programme complet des Rencontres à l’Échelle ici