Les Mots qu’elles eurent un jour 

Documentaire de Raphaël Pillosio (France - 2024 - 1h24). Projection en présence du réalisateur, dans le cadre de la 46eédition de Cinéma du Réel, en collaboration avec la Cinémathèque du Documentaire et Images en Bibliothèques

En 1962, Yann Le Masson filme la parole de militantes algériennes à leur sortie de prison en France. Plus de 50 ans après, alors que la bande son a disparu, je pars à la recherche de ces femmes.

« Film-cicatrice, Les mots qu’elles eurent un jour ausculte une perte sans jamais prétendre la combler. Lorsque deux personnes sourdes s’attellent à lire sur les lèvres des femmes filmées par Yann Le Masson, elles dévoilent des bribes de phrases, des propos amputés par les revirements de la caméra. L’enquête pour reconstituer la bande son perdue restera en suspens, nul happy end ne viendra résorber l’absence, annuler l’opération féroce du temps. La plupart des femmes que Raphaël Pillosio aurait aimé rencontrer sont déjà mortes, mais une autre forme de perte tout aussi cruelle pèse sur son enquête : torturées par les Français, emprisonnées, ces Algériennes poseuses des bombes ou agents de liaison ont ensuite été rappelées à ce que l’on a jugé être leur place, sont retournées, pour la plupart, dans l’ombre de vies domestiques, loin du versant public de la politique. Le passage du temps n’aura pas été synonyme de progrès : l’émancipation a subi un coup d’arrêt sitôt que les femmes ont perdu leur utilité. L’enquête prend alors des airs de prétexte : si les paroles d’époque sont définitivement perdues, partir à leur recherche fournit l’occasion de faire parler ces femmes aujourd’hui, de mesurer un écart temporel, un changement d’époque, et la façon trébuchante dont les sociétés évoluent. Plutôt que d’atteindre une destination, il importait de parcourir ce chemin vers le passé. Yann Le Masson soupçonnait que sa bande son ait été détruite volontairement, pour bâillonner des femmes trop libres. Toujours, l’Histoire gagne à être réécrite. »

— Olivia Cooper-Hadjian – Cinéma du réel

 

 

La compétition de la 46e édition de Cinéma du réel propose 37 films documentaires, courts et longs métrages; 37 films différents qui démontrent la richesse du documentaire, vaste territoire cinématographique où les images d’archives convoquent le passé tandis que les images virtuelles nous projettent instantanément dans le futur.

En collaboration avec La Cinémathèque du documentaire et Images en bibliothèques, le festival Cinéma du réel propose la circulation d’une sélection de films français issus de la compétition 2024. Les deux films que nous avons choisis pour cette circulation témoignent de cette diversité. Mais ce sont surtout des œuvres qui content des histoires, convoquent les imaginaires, et nous permettent de regarder notre présent en face.

 

Cinéma du réel

 

Imaginaires Documentaires est un rendez-vous mensuel du Videodrome 2, autour de la diffusion de documentaires contemporains récents, qui poursuit une ambition de circulation d’œuvres remarquées et remarquables qui ne trouveraient pas le chemin des salles d’exploitation. Afin de créer un moment d’échange privilégié, les séances se font en présence des cinéastes.

Videodrome 2
Le dimanche 21 avril 2024 à 20h30
Prix libre (+ adhésion annuelle : 6 €)
www.videodrome2.fr
49 cours Julien
13006 Marseille
04 91 42 75 41