Engagée dans le questionnement et le déplacement des représentations, des identités sociales et sexuelles, dans la diffusion d’objets troublant les régimes sensibles dominants, l’équipe du MUFF ne pouvait que rendre hommage à Barbara Hammer en proposant (seulement) un fragment – scindé en deux – d’une oeuvre éclectique et foisonnante pour un gros morceau d’histoire. Avant-gardiste et passionnée de peinture, Barbara Hammer est une cinéaste de la sensualité et des expériences perceptives, faisant montre d’une recherche continuelle, tout autant formelle qu’ existentielle, sur la voie politique de l’art. Dès ses débuts dans les années 70’s, c’est en tant qu’ activiste féministe et lesbienne qu’elle investit le champ de l’expérimentation, bouleversant les codes cinématographiques de la perception des corps féminins et de l’amour saphique, pionnière queer dans une histoire du cinéma hétéronormée et territoire majoritairement masculin. Elle a oeuvré sans relâche à écrire une autre histoire du cinéma qui porte la voix et inscrit les corps « de celles et ceux dont on a nié l’expression personnelle. », tout en développement un langage cinématographique unique, à la singularité irréductible. Et si vous affichez un penchant érotique pour les fruits, les fleurs et l’eau…
19h30 – L’érotisme expérimental de Barbara Hammer [Fragment 1]
• I Was/ I am de Barbara Hammer, 1973, USA, 6 mn, 16 mm
L’un des trois premiers films 16 mm réalisés par Barbara Hammer. La cinéaste troque sa robe et sa couronne de jeune fille pour une veste en cuir de motarde lesbienne. Les références symboliques à Maya Deren viennent souligner son influence sur Hammer. Projeté en ouverture de la rétrospective Hammer au MoMA, New York en 2010.
• Dyketatikcs de Barbara Hammer 4 min | 1974 | USA | couleur| sonore | DCP
“En 1974, quand j’ai fait Dyketatikcs, la première histoire d’amour au cinéma par une lesbienne, je n’avais jamais vu de film, quel qu’il soit, réalisé par une lesbienne reconnue. Je commençais à m’intéresser à l’identité de l’artiste femme, de l’artiste lesbienne qui crée sans référence lesbienne en art. Bien que je n’aie jamais vu auparavant de film dans lequel les femmes fassent l’amour, je me souviens que ce n’est pas la sexualité elle-même qui me poussa à faire le film. Ce fut plutôt la sensualité, l’expérience du toucher et de la sensation qui traduisaient au plus haut point, pour moi, l’amour d’une femme pour une autre femme.”
• Pools de Barbara Hammer & Barbara Klutinis 6 min | 1981 | USA | couleur | sonore | fichier num
Jour après jour, je prenais un plus grand plaisir à la réflexion lumineuse sous-marine d’une piscine, jusqu’à ce que j’étudie l’histoire des piscines. Celle-ci fut dessinée par Julia Morgan, première architecte américaine diplômée de l’Académie des beaux-arts de Paris. Elle conçut 20 piscines et 1000 immeubles. Barbara Klutinis et moi-même, souhaitions faire un film sur sa force architecturale, et éprouver – la piscine – dans plus de deux dimensions. Il nous sembla que nous appréhendions comme femmes le travail artistique d’une autre femme.
• Double Strength de Barbara Hammer 16 min |1978 | USA | couleur | sonore | Num
Quatre étapes d’un amour romantique lesbien entre deux artistes «performers», qui dans leur travail utilisent des pas de danse ainsi qu’un trapèze.
• Pond and waterfall de Barbara Hammer 15 min | 1982 | USA | couleur | silencieux | 16mm
La réalisation de Pools me laissa insatisfaite et lorsque je vis une source et son lac à la luxuriante végétation aquatique, je réalisai que c’était ce que je voulais faire quand j’avais fait Pools. Je souhaitais que le spectateur soit dans l’eau comme une grenouille l’est et circule à travers les étangs en ressentant avec plaisir les couleurs comme si il/elle était amphibie. À la vision des rushes sur une Moviola, je trouvais que ça allait bien trop vite, je voulais la vitesse de défilement la plus lente que la machine pouvait offrir: quatre images/seconde. Je refilmai l’intégralité du film et m’absorbai dans le côté pictural à la Monet tant et si bien que je gelai certaines des images qui me plaisaient le plus. Je pense souvent au fait que le film est une illusion d’image arrêtée.
20h30 – L’érotisme expérimental de Barbara Hammer [Fragment 2]
• Sanctus de Barbara Hammer, 1990, USA, 19 mn, 16mm
À partir de séquences filmées aux rayons X tournés par le docteur James Sibley Watson dans les années 50 et 60 (qui avait réalisé avec James Webber The Fall Of The House Of Usher et Lot In Sodom).
• Menses de Barbara Hammer 4 min| 1974 | USA | couleur | sonore | 16mm
Une comédie désabusée sur les aspects ironiques de la menstruation pendant laquelle des femmes jouent leur propre drame sur un coteau en Californie, dans un supermarché, selon un rituel (appuyé par un filtre rouge), celui de la formation des liens affectifs mutuels. Menses mélange à la fois l’imagerie et la politique des menstruations sous un air subtil de comédie et de drame.
• Generations de Barbara Hammer 30′ 00/ 2010 / USA / coul-n&b / sonore / 16mm Generations est un film sur la transmission et le legs d’une tradition de la pratique personnelle du cinéma expérimental. Barbara Hammer, réalisatrice reconnue et âgée de soixante-dix ans, confie sa caméra à Gina Carducci, une jeune cinéaste queer. Au cours des derniers jours d’existence du parc Astroland à Coney Island, les deux femmes, chacune tournant ses propres images, s’aperçoivent que le principe du vieillissement inévitable trouve un écho dans l’architecture du parc d’attractions. Leurs travaux respectifs, développés séparément, sont réunis en dernier lieu pour générer un document aussi authentiquement expérimental que générationnel.
Emmanuel Vigne