Paul est mort

Drame d'Antoni Collot (France - 2018 - 1h28), avec Clémentine Beaugrand, Valentin Coutelis...

Le 8 août 2018, le philosophe français Paul Eichmann est mort. Il laisse derrière lui sa compagne Brune Hellman et leur fille de trois ans, Madeleine. Très vite, un jeune homme se présente à leur domicile, c’est Alexandre Muller, le fils de Paul Eichmann. Antoni Collot signe un long métrage aux abords très mystérieux, oeuvre ouverte aux vents contraires et qui se refusera jusqu’au
bout à fermer la porte. Disparu, le philosophe Paul Eichmann nous apparaît toutefois encore par intermittences, quelques scènes de dialogue qui, comme des étincelles de pensée, vont venir composer l’ADN du film. Drame à la base classique, Paul est mort est en fait placé sous le sceau du « réalisme modal », hypothèse logique du philosophe David Lewis qui propose que toute description de la façon dont le monde peut être est la description de la façon dont un monde est, parallèlement au nôtre. Ainsi, très vite, le film s’ouvre à ses possibilités : bien plus qu’une simple conscience de son statut de film, Paul est mort trace de multiples sillons, possibilités fictionnelles toutes valables puisque parallèles. Les êtres et les choses y gagnent alors en complexité et en puissance, comme regardés à travers un kaléidoscope. Un temps, Antoni Collot s’appuie sur son récit, un temps, il préfère s’en éloigner le plus possible, mais l’hypothèse philosophique, toujours prise au sérieux, et même lorsqu’elle semble brouiller les pistes, finit toujours par construire la clarté et l’exigence du propos. Alors, Paul est mort, construit sur un système de résonance entre les possibilités, parvient à créer sa propre constellation : d’une émotion à l’autre, et souvent les deux à la fois. (VP)

Villa Cosquer Méditerranée
Le jeudi 12 juillet 2018 à 18h15
5/6 €
www.fidmarseille.org
Esplanade du J4
13002 Marseille

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org