Out of the gardens  (V.O.)

Documentaire de Quimu Casalprim (Allemagne - 2018 - 1h22)

Out of The Gardens est un film sans véritable nationalité, à l’image du territoire qu’il habite : l’Antarctique. Là-bas, les hommes ont banni toute entreprise militaire. Ceux qui y demeurent arpentent inlassablement le point le plus froid et le plus venteux du monde. Des religieux russes orthodoxes, un musicien espagnol, des biologistes allemands et même l’ombre de la présence chinoise… tous composent l’identité de cette terre lointaine, centre de recherche scientifique et spirituelle à la fois. L’aridité du lieu n’est pourtant pas le propos de Quimu Casalprim. Au contraire, son film révèle une Antarctique à la chaleur paradoxale. La vidéo abîmée magnifie chaque préfabriqué, chaque baraquement, comme un petit îlot de lumière pris dans son cocon de neige. La chaleur quasi-végétale qui en émane donne un terreau à nos idées, et nous donne la possibilité d’enfin inventer et faire fi du passé. Ici, tout le monde est à égalité, tous ont fait le même pari. On brûle alors de vieilles pellicules comme pour effacer les traces du passé. Déjà, notre pouls bat au rythme tranquille de ces espaces blancs. Les corps se font visibles dans leur sommeil, apaisés. Reliés à d’étranges machines, ils rêvent à la possibilité d’un lendemain véritablement différent. Des ossements que l’on taille au couteau, à la complainte d’un saxophone lointain, c’est la même douceur diffuse que capte Out of The Gardens. Parmi tous ces hommes semble parfois surgir une mystérieuse figure féminine, comme présente et absente à la fois – hommage tarkovskien ? Peut-être est-elle un fantôme, mais en provenance d’un temps alors encore non advenu : une guide pour tous les rêveurs de l’Antarctique.(VP)

Mucem - Auditorium
Le jeudi 12 juillet 2018 à 18h
5/6 €
www.fidmarseille.org
7 promenade Robert Laffont
13002 Marseille
04 84 35 13 13

Article paru le mercredi 4 juillet 2018 dans Ventilo n° 413

FIDMarseille 2018

FID back

 

La vingt-neuvième édition du FID, Festival International de Cinéma de Marseille, déploie une nouvelle programmation passionnante dans plus d’une douzaine de lieux de la cité phocéenne, et confirme, s’il était encore nécessaire, sa place incontournable parmi les festivals européens.

  L’un des festivals majeurs en France — dont peut s’enorgueillir d’ailleurs la cité phocéenne — a déroulé le programme de sa vingt-neuvième édition, qui transcende l’idée même de la diffusion cinématographique, devenant acteur d’une utopie historiographique de l’image en mouvement, durant laquelle le récit se crée à l’instant où il se découvre. Au fil des ans, le FID a non seulement (re)donné sens à l’acte même de montrer les films, par l’exigence dont il fait preuve, mais continue d’inscrire les œuvres dans l’environnement industriel de leur fabrication. Il y a là une forme d’acte (d’art ?) originel, un savoureux péché dont le cinéma s’est éloigné, et qui a cependant longtemps fait son essence. Se rendre au FID dépasse bien largement le seul plaisir cinéphilique, mais, prenant le contrepied de Walter Benjamin, achève une boucle en instillant magistralement le hic et nunc au cœur de chaque séance ancrée selon le philosophe dans la reproductibilité de l’image en mouvement. Une édition marquée cette année par trois figures tutélaires devenues sémiologiquement icônes : Isabelle Huppert, invitée du festival, la merveilleuse Edie Sedgwick — qui marqua les heures glorieuses de la Factory d’Andy Warhol — et feu le président du FID, Paul Otchakovsky-Laurens, dont le travail d’éditeur aura marqué en profondeur l’art littéraire. Impossible de dérouler ici une liste à la Prévert des cent cinquante invité.e.s de cette vingt-neuvième édition, mais citons Wang Bing, Luc Moullet, Jean-Pierre Beauviala, Pierre Creton ou Albert Serra, que nous aurons l’occasion de rencontrer au détour d’une projection. Les cent cinquante films présentés se répartiront au sein des diverses compétitions du festival, mais également lors des écrans parallèles et autres séances spéciales, à l’instar des années précédentes. Internationale, Française, Premier Film et GNCR, ces Compétitions proposent presque exclusivement des premières mondiales — l’une des conditions désormais incontournables pour avoir la chance d’être sélectionné au FID —, avec les nouveaux opus de Jorge León, Albert Serra, Peter Sant, Damir Cucic ou Véronique Aubouy, pour ne citer qu’eux. Le premier écran parallèle sera bien évidemment consacré à Isabelle Huppert, avec une vision kaléidoscopique de sa carrière le long de treize films triés sur le volet, dont les excellents Amateur d’Hal Hartley ou Passion de Jean-Luc Godard. De même pour Edie Sedgwick, dont nous aurons l’immense bonheur de (re)voir les Screen Test de Warhol et bien évidemment l’inoxydable The Chelsea Girls. La thématique « Livre d’image » explorera quant à elle les liens éminemment complexes et historiques entre la littérature — ou plus précisément le livre — et le cinéma. Une rencontre en lettre capitale, où il s’agit plus souvent d’écrire l’image que d’imager le texte. Citons par ailleurs « Make / remake », « Histoires(s) de portrait », la sélection musicale « We’re gonna rock him » ou « Les sentiers » comme autres pistes de découvertes cinéphiliques. Entre le FID Campus, le FID Lab ou les diverses tables rondes, cette nouvelle édition du festival laisse également une place importante à la question même du geste cinématographique, dans son long processus de création, pour une édition 2018 derechef pleine de promesses !  

Emmanuel Vigne

 

FIDMarseille : du 10 au 16/07 à Marseille. Rens. : www.fidmarseille.org