L’Attrape-rêves

Architecte de génie, Le Corbusier a donné à Marseille un lieu de vie qui continue d’exister après lui. Pour le cinquantenaire de sa disparition, les habitants, aidés de l’association les Pas Perdus, se réapproprient leur unité d’habitation à travers une exposition mêlant hommage et tranches de vie.

Pour fêter le demi-siècle de son souvenir toujours vivace, les habitants de la Cité radieuse, lieu de vie mythique et objet d’art à part entière, ont fait appel au collectif artistique pluridisciplinaire les Pas Perdus.
Le résultat ? Un projet célébrant l’architecte précurseur mais aussi toutes les personnes qui font vivre sa création à travers une série d’œuvres visuelles et sonores habillant les rues intérieures, et donnant à cet espace d’ordinaire dédié au simple passage une dimension de rencontres et d’interrogation.
Une soixantaine d’habitants a pris part à cette expérience débutée cet été et soutenue via une plateforme de financement participatif par les commerçants de l’unité d’habitation, tels que Dominique l’hôtelière ou Katia la libraire.
Les participants, formant un binôme avec l’un des sept artistes invités, sont allés chercher dans leur souvenirs, leur vie quotidienne, leurs anecdotes, ce qui les reliait au Corbusier et à cet immeuble. « Pour les gens de l’extérieur, c’est un lieu à visiter mais pour nous, c’est d’abord l’endroit où l’on vit, on ne le voit pas comme un musée », détaillent Guy et Yvette, qui ont choisi de mettre en avant la place qu’a laissée Le Corbusier à la nature en installant devant chez eux des troncs d’arbres donnant l’illusion de passer à travers les étages, une création qu’ils ont réfléchie et réalisée avec Marie Ducaté.
Cette dernière a également collaboré au projet de Geneviève, habitante de longue date de la Cité. C’est une peinture réalisée par son fils lorsqu’il avait six ans sur l’un des murs de son appartement qui lui a donné le déclic pour son œuvre…
« Au final, il n’y a pas besoin d’être artiste pour créer, chacun a des compétences en soi qu’il peut utiliser. Même si ça ne lui paraît pas exceptionnel ou digne d’intérêt, le simple fait que la personne lui donne de l’importance transforme ce talent inné, ce savoir-faire, en quelque chose qui a de la valeur », explique Guy-André Lagesse, initiateur du groupe les Pas Perdus et artiste intégré au projet. Parmi ses collaborateurs, l’artiste plasticien travaille avec Lucas, dj à ses heures, passionné de musiques et par la vue époustouflante que Le Corbusier a offerte à chaque habitant de l’immeuble.
A la fois sonore et visuelle, son installation sera à découvrir devant chez lui, sur la boîte à provisions que l’on trouve devant chaque porte d’entrée, tandis que les artistes seront exposés au MaMo, sur le toit de la Cité Radieuse. « On a détourné l’utilisation initiale de ces boîtes : au lieu de recevoir, l’habitant offre vers l’extérieur », souligne Dorine Julien des Pas Perdus.
A la manière des ex-voto, ces offrandes sont à la fois un remerciement, mais aussi une entrée dans l’intimité des habitants de l’immeuble le plus célèbre de la ville.

Aileen Orain

Week-end Fada : les 10 & 11/10 à la Cité Radieuse Le Corbusier (280 boulevard Michelet, 8^e).
Exposition Grand Ensemble : du 10 au 25/10 au MaMo – Centre d’Art de la Cité Radieuse.
Rens. : 04 91 50 07 38 / www.lespasperdus.com