ÇA CHAUFFE ! Le Comptoir Toussaint-Victorine

L’Interview
L’Art de Vivre et les pas Perdus

 

En 2006, les locataires du Comptoir Toussaint-Victorine avaient échappé de peu à la perte de leur lieu de travail. Grâce à une forte mobilisation, la mairie de Marseille avait alors racheté le bâtiment plutôt que de le vendre au plus offrant. Sept ans plus tard, le Comptoir se dégrade et la réhabilitation promise n’a toujours pas eu lieu. Mise au point avec l’Art de Vivre et les Pas perdus, locataires désenchantés.

Depuis quand êtes-vous installés au Comptoir de la Victorine ?
Nous sommes arrivés en 2000 grâce aux soutiens conjugués à l’époque de l’Etat, de la ville de Marseille, de la Région et du Conseil général. Les deux compagnies se sont d’abord établies au rez-de-chaussée puis entre 2000 et 2006, nous avons pu aménager les combles, toujours grâce aux soutiens financiers des diverses collectivités. Nous avons fait des bureaux, un studio d’enregistrement, une salle de répétition. Nous avons mutualisé les locaux et les moyens. Et en 2006, lorsque les anciens propriétaires ont voulu vendre, tout s’est bien sûr arrêté.

Comment la mairie s’est-elle retrouvée propriétaire ?
Je ne crois pas que la mairie ait eu l’intention de racheter, mais la pression de la mobilisation l’y a poussée. Bien que, lors de l’annonce du rachat du Comptoir, le maire ait souligné l’importance des activités menées dans ce lieu. D’après ce que nous avons compris, la mairie ne s’engageait à racheter le site qu’à condition que le Conseil général et Conseil régional s’engagent de leur côté à participer à parts égales à la réhabilitation. Les présidents de ces deux institutions ont adressé des lettres au maire pour officialiser cet engagement. En 2008, la mairie est donc devenue la propriétaire des lieux.

Après ce rachat, comment les choses ont-elles évolué ?
Depuis, il n’y a pas eu de travaux d’entretien. L’engagement pris n’a pour l’instant pas été respecté. Pour vous donner quelques exemples : l’évier est bouché, il n’y a pas d’éclairage dans les parties communes, le portail ne se ferme plus… On travaille dans des conditions qui deviennent impossibles.

Qu’en est-il de l’engagement passé entre les trois parties ?
Nous ne savons pas quelles ont été les tractations exactes entre les différentes parties. Je pense qu’ils doivent se mettre d’accord sur un projet de réhabilitation du site. Pour nous, la logique aurait été la création d’un comité de pilotage entre résidents et collectivités qui aurait permis de cerner la vocation du site et les travaux à engager.
En 2010, un architecte et un sociologue ont été envoyés par la ville pour réaliser une étude. C’était une excellent chose puisque nous, résidents, n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur un projet commun, tout simplement parce que nos activités sont extrêmement différentes.
Ils ont réussi à proposer un projet qui nous a rassemblés, mettant en avant notre diversité. Il comprenait évidemment une mise aux normes totale du bâtiment. Il faut savoir que pour l’instant nous ne pouvons recevoir qu’une vingtaine de personnes alors que nous avons vocation à accueillir du public, ne serait ce que pour les répétitions ou les ateliers.
L’étude réalisée par ces deux professionnels est donc retournée vers la mairie. Sur le coup, on y a cru, on s’est dit que les choses allaient enfin bouger.

Avez-vous eu des retours ?
Non, on ne sait pas s’il a été accepté ou rejeté. En revanche, on a l’impression qu’il n’a pas été communiqué comme il l’aurait dû l’être. On s’en est rendu compte quand fin 2011, Patrick Menucci, alors élu à la Culture et vice-président de Région, est venu visiter le Comptoir.  Il ne connaissait pas l’existence de cette étude. A ce moment-là, nous avons eu le sentiment qu’il n’y avait pas de communication entre les différents partenaires.

Y a-t-il eu des avancées depuis ?
En 2012, Jean-Noël Guérini est venu lui aussi et a fait voter une enveloppe de 2,2 millions d’euros et en juin de la même année, le Conseil régional a fait lui aussi voter une résolution d’engagement. C’est-à-dire qu’ils s’engageaient à être présents dès que les travaux seraient engagés. On imaginait alors que ces partenaires pourraient enfin se mettre d’accord. On ne comprend pas ce qui se passe depuis, pourquoi aujourd’hui, nous sommes toujours dans cette situation d’attente. On est totalement accablé, on ne sait plus quoi faire. C’est pour ça que l’on a arrêté de payer nos loyers, pour montrer notre exaspération. On a envoyé des lettres recommandées, fait venir un huissier pour établir un constat… Nous sommes toujours sans réponses. La situation est incompréhensible.

Quelles sont les réponses que vous donnent les institutions ?
Ils se renvoient la balle. Les responsables de la mairie disent qu’ils ne peuvent pas engager de travaux parce que la Région ne respecte pas son engagement. Et du côté de la Région, on nous explique que la mairie n’a jamais rien demandé.
D’un autre côté, chacun est prêt à dire qu’il faut que cet endroit soit rénové et que le travail effectué ici est important. Mais apparemment, ils sont incapables de se mettre d’accord, d’avoir une bonne communication. Des élus sont venus lors de notre réunion publique et ils étaient consternés par la situation.
Et bien sûr, on nous demande les loyers. On sait qu’on n’est pas dans la légalité, mais le loyer demandé est exorbitant par rapport à l’état de l’endroit.

L’avis d’expulsion a été suspendu et rendez-vous a été pris avec des responsables…
Nous avons rencontré Jean-François Gachet à la Région qui nous a confirmé l’engagement pris par l’institution, en attente du feu vert de la mairie.
Du côté de la ville, les directeurs de l’urbanisme et du service culturel viennent nous rencontrer. On ne sait pas encore comment cela va se passer, on souhaite juste que ce soit un grand pas en avant et que des décisions à courts et longs termes soient prises. Nous voulons des actes de leurs parts.

Propos recueillis par Aileen Orain

 

Comptoir Toussaint-Victorine (29/33 rue Toussaint et 10 Rue Sainte-Victorine, 3e)
Rens. www.lespasperdus.com/ http://www.lartdevivre.org/

Une pétition est en ligne pour soutenir le comptoir de la Victorine et ses résidents :
www.petitionpublique.fr/?pi=Comptoir