Alma Söderberg © Hendrik Willekens

Dansem #19

Mes meilleurs amis

 

La dix-neuvième édition du festival Dansem poursuit son exploration de la question du geste à travers une programmation qui tisse des liens de fidélité avec des chorégraphes qu’on aime revoir.

 

Le geste, c’est un univers en soi. Il peut être abordé dans ses prémices, sa plénitude et sa complétude, mais il ressent aussi le besoin de se poser sur un synopsis qui lui permet d’amorcer le début d’une partition.
Avec Danya Hammoud (Il y a longtemps que je n’ai pas été aussi calme), en duo avec Carme Torrent, il s’agit de regarder ce qui détermine le commencement. Là où le déséquilibre s’installe, où la main repousse l’épaisseur de l’air pour s’acclimater à sa propre vitesse. La question de la folie devient une question du corps dans un état bancal où l’être perd toute sa raison et où chaque écart de bras peut provoquer l’impardonnable. Mais c’est aussi un désir de s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard, à la manière d’une chute qui laisse le sol impeccable.
Chez Alma Söderberg (Cosas et Nadita), le corps développe un espace qui dialogue avec le phrasé du hip-hop et le contretemps pour générer une attitude proche de la revendication et du slogan. Les gestes à l’état brut se développent dans une culbute chorégraphique où le rythme transcende l’expression de l’artiste. Tout s’accélère et tout se ralentit pour mieux dévoiler l’originalité d’un corps, d’une voix, d’un visage qui exprime la joie de vivre.
Francesca Foscarini (Vocazione all’asimmetria) aime prolonger l’idée d’une danse qui utilise le regroupement, la dislocation, l’arrêt sur image. L’espace se remplit de touches de couleurs. Les attitudes reprennent des gimmicks du quotidien. Les similarités et les différences fabriquent un jeu comique ou décalé, parfois familier. Dans cette simplicité des choses, une danse singulière se construit pour finir par ne ressembler à aucune autre.
Mathilde Monfreux (Effets de dansité) travaille sur la question du corps modulable en tout instant. A la fois fourmi dans une organisation de groupe où chacun remplit sa tâche, puis singulier dans une nudité immobile qui devient plasticienne, le corps prend soin de l’espace et le pointe dans ses moindres recoins avec une économie du geste et un éloge de la lenteur qui nous plonge dans une atmosphère vaporeuse.
Georges Appaix semble avoir touché le Graal avec sa création de 2014 (Vers un protocole de conversation ?), qui n’en finit plus de tourner. Rencontrant le bonheur d’un public conquis par la liberté de ton où le théâtre de positions s’entremêle à un jeu de postures qui réécrit le rectangle de la scène, à la manière du magnifique Esther Kahn d’Arnaud Desplechin. L’homme s’interroge, puis se ressaisit dans un excès d’autorité, jouant un mouvement poétique avec l’apparente fragilité d’une femme. Les mots brefs s’agglutinent pour former des phrases et des monologues qui nous rapprochent d’un dialogue de sourd, puis d’une entente sans lendemain où rode la question de l’existence. L’engagement et l’exigence des caractères deviennent une transe qui jette et roule le corps au sol. Puis la distance s’installe pour mieux réinviter le jeu de séduction. On pense à Docteur Mabuse de Jean-Claude Gallotta, parce que le propre de la modernité, c’est le mélange des genres.

Karim Grandi-Baupain

 

Festival Dansem : du 15/11 au 3/12 à Marseille, Aix-en-Provence, Arles et Vitrolles.
Rens. : 04 91 55 68 06 / www.dansem.org

Le programme complet du festival Dansem ici