Minuit © Géraldine Aresteanu

Biennale internationale des Arts du Cirque

Sous le plus grand chapiteau du monde

 

Le projet de Guy Carrara et Raquel Rache de Andrade est plus qu’ambitieux : faire de la Biennale internationale des Arts du Cirque le plus grand festival de cirque du monde.

 

Forts du succès de Cirque en Capitales (MP 2013), de la première Biennale (85 000 spectateurs) et de l’Entre-Deux Biennales, Raquel Rache de Andrade et Guy Carrara (directeurs d’Archaos, du Pôle cirque et de la BIAC) se sont donné pour mission de créer l’événement cirque qui manquait en France, et ainsi offrir enfin à Marseille une manifestation emblématique de renommée internationale. A force de batailles avec ses mauvaises images, Marseille cherche désespérément à redorer son blason.
L’idée de faire rayonner la BIAC sur un territoire plutôt que sur une ville (ce que fait le festival CIRCA à Auch) a donc suscité l’implication d’un plus grand nombre de collectivités et de structures, en l’occurrence quarante-quatre partenaires culturels sur vingt-sept communes, qui sont lieux de représentations mais aussi, pour certains, coproducteurs de créations. Un choix qui intéressait forcément aussi les collectivités régionales en termes de tourisme, d’économie locale, d’accueil de sponsors et d’offre d’emplois. Cent mille spectateurs sont tout de même attendus durant cette nouvelle édition…
Un rassemblement d’énergies assorti d’une mutualisation des moyens qui permet la venue de grandes compagnies et la tournée de plusieurs spectacles tels que le très remarqué Halka du Groupe Acrobatique de Tanger (Châteauvallon, La Colonne à Miramas, Le Merlan). Et grâce à l’existence d’un important maillage, des compagnies de renommée mondiale comme NoFit State Circus viennent effectuer leur résidence de création dans des lieux repérés, à l’instar du Citron Jaune à Port-Saint-Louis-du-Rhône. En collaboration avec les danseurs de Motionhouse, ils présenteront leur petit dernier, Block, un ballet hallucinant autour d’une construction-déconstruction de vingt blocs de béton. Un show extérieur, gratuit, à suivre de La Seyne-sur-Mer à Ensuès en passant par le Vieux-Port…

 

Un esprit fédérateur
Au cirque, sans l’autre, tu n’es rien. Que ce soit en haut d’une pyramide humaine ou dans un numéro de voltige : « Si un te manque, tu te manques. » Le main à main semble être l’une des spécialités de l’équipe de la BIAC, qui a réussi le tour de force de rassembler des forces vives autour du travail réalisé toute l’année par le Centre de recherche européen des arts du cirque (CREAC) et le Pôle Cirque, en termes d’accueil de compagnies, d’accompagnement, de résidence et de création, mais aussi d’actions artistiques et éducatives en milieu scolaire, tout en s’appuyant sur les structures porteuses (Territoire de cirque, La Cirk’Mosphère, Le Pôle Jeune Public du Revest…). Plutôt que de se positionner en solo, Raquel et Guy se sont inscrits dans le paysage existant en incluant dans la Biennale les festivals ou structures qui présentaient déjà des temps fort cirque comme le Théâtre du Gymnase, le Théâtre d’Arles (Des cirques indisciplinés), le Daki Ling (Tendance Clown)… Et la riche idée est d’y avoir aussi associé le réseau des Scènes Nationales (Les Salins, Châteauvallon, La Garance), friandes d’écritures contemporaines novatrices, qui s’intéressent et suivent le cirque depuis que, devenu contemporain, il se situe de plus en plus à la croisée des disciplines et d’une écriture dramaturgique. Sur le fil entre danse et cirque, des circassiens comme Yoann Bourgeois y sont même artistes associés, en bénéficiant également du soutien de la Fondation BNP Paribas, l’un des sponsors de la BIAC. Une alternative financière pour compléter des subventions culturelles de plus en plus aléatoires et restrictives…
La mise en partage laisse ainsi chaque structure libre du choix de sa programmation, tout en s’intégrant dans un projet d’envergure offrant une forte visibilité vitale à tous.

 

Penser global, agir local
La programmation, hétéroclite, séduisante, gaie, privilégie la diversité et un fort ancrage local avec onze compagnies d’ici (Attention Fragile, La Mondiale Générale, Le Centaure, Cahin Caha, la compagnie Fanny Soriano…). Elle s’articule entre répertoire avec les compagnies marquantes du cirque contemporain (Les Colporteurs, Les Nouveaux Nez, la compagnie Jérôme Thomas, le Cirk Vost…) et la création, nationale et internationale, avec des focus scandinaves (avec les fous finlandais de Race Horse Company, Limits de Cirkus Cirkör…), brésiliens et québécois. Conservant par là même le côté populaire et familial du cirque…
Fait notable : le côté pratique du programme papier, avec une classification alphabétique des spectacles qui gomme l’importance des structures, mettant à égalité petits et grands. A l’exception de Johann Le Guillerm, sorte de parrain de la BIAC, étendard de cette transversalité des disciplines, des genres et des lieux. L’artiste, chercheur insatiable sur la matière, déploie un univers entre cirque d’objet, performance et arts plastiques. Son projet Attraction, issu d’un observatoire sur le « pas grand-chose », est une manière de faire un point sur ses croyances et connaissances dans une sorte d’inventaire du monde. Un spectacle en mutation constante, Secret (Temps 2) et des installations démentes (Les Imaginographes, Les Imperceptibles…) présentées à la Friche, ainsi qu’une revisite des collections du Mucem (Evolutions élastiques), donneront un large aperçu de la poésie délirante de cet artiste (dont on vous reparle très prochainement).
Les rencontres professionnelles, où cinq cents programmateurs du monde entier sont invités, transformeront la BIAC en « marché » géant et place incontournable du cirque.
Regroupant cinq chapiteaux sur les plages du Prado, il sera à la fois un lieu identifiable pour le public, un espace convivial et le centre névralgique de la manifestation. Le tout avec le désir de recréer ce qui faisait le succès du festival Janvier dans les étoiles de La Seyne, dans cet aspect familial du cirque, où le vivre ensemble et le mélange d’artistes favorisera rencontres, échanges et, peut-être, l’opportunité de futures créations.
En ces périodes électorales, la Biennale est une belle vitrine que la couverture médiatique internationale va faire étinceler. Reste à savoir si les collectivités locales et territoriales vont continuer à parier sur la culture de manière pérenne.

Marie Anezin

 

Biennale internationale des Arts du Cirque : du 21/01 au 19/02 à Marseille et en PACA.
Rens. : www.biennale-cirque.com

Le programme complet de la Biennale internationale des Arts du Cirque ici


LES IMMANQUABLES DE
LA PREMIÈRE QUINZAINE

 

Week-end d’ouverture : Quel cirque !

Barons perchés © Christophe Raynaud De Lage

En partenariat avec la Capitale européenne du Sport, un week-end circassien musclé est proposé en guise d’ouverture à la Friche. Du sport, il n’en manquera pas avec cette mise en bouche gratuite de la Biennale menée par un Monsieur Loyal prenant les traits de Félix Tampon (Alain Reynaud des Nouveaux Nez & Cie), incroyable commentateur sportif. Tout le monde sera à la fête, petits et grands, avec des ateliers acrobatiques et urbains, des spectacles, des installations et des expositions qui feront émerger les émerveillements de l’enfance, la douce folie de l’extraordinaire, l’esprit compétitif et les lois de l’apesanteur. Il sera en effet surtout question d’équilibre(s), avec l’exposition du même nom de Yohanne Lamoulère, celui, précaire, sur trampoline, de Yoann Bourgeois, ou sur deux pattes du chien savant de la compagnie Azeïn (Cave Canem), le pas à pas sur agrès de bois de la Mondiale Générale (Sabordage) ou encore les vols planés tout foot à la bascule de Colokolo Cirque. Mais aussi, celui, difficilement tenable, face aux affres du hasard auxquels se confronteront les étudiants du Centre National des Arts du Cirque et de Piste d’Azur. Un match historique initié par Gulko (compagnie Cahin-Caha), et l’impossible équilibre entre ombre et lumière qui peuple l’existence de l’acrobate Sandrine Juglair dans Diktat. Quant aux Installations du « savant fou » Johann Le Guillerm, elles sont à tomber à la renverse…
Hors les murs mais à ne manquer sous aucun prétexte : Barons Perchés, le duo composé de Mathurin Bolze & Karim Messaoudi, le deuxième ayant repris le rôle du premier dans la pièce devenue de répertoire Fenêtres. Prenant le même cadre de la cabane en bois, Barons Perchés illustre en quelque sorte cette passation, une histoire de double et de trouble de la personnalité, d’une beauté époustouflante.

  • Quel cirque ! : les 21 & 22/01 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin 3e).
    Rens. : www.lafriche.org

  • Barons perchés par la Cie MPTA : les 20 & 21/01 à la Salle Guy Obino (Vitrolles).
    Rens. : www.vitrolles13.fr

 

Fugue / Trampoline variation numéro 4 et Minuit par Yoann Bourgeois

Fugue © Géraldine Aresteanu

Cet acrobate, danseur et metteur en scène qui a fait ses débuts au Cirque Plume travaille sur les lois de l’apesanteur en y mêlant les langages du cirque et de la danse. Ça donne le vertige ! Il présentera deux spectacles à la BIAC. D’abord Fugue / Trampoline variation numéro 4 dans la cour Jobin de la Friche lors de l’ouverture. Un pas à pas aux multiples variations qu’il agrémente au gré de ses sauts dans le temps et l’espace. Et Minuit (tentative d’approche d’un point de suspension), qui a ravi le public du festival Villeneuve en Scène à Avignon cet été dans le cadre particulier du Fort Saint-André où il proposait un parcours acrobatique et poétique de haute volée. Dans la salle du Merlan, le spectacle prendra une autre forme, ce qui plaît à cet incontestable joueur, coqueluche de la scène artistique contemporaine.

  • Fugue / Trampoline variation numéro 4 : le 21/01 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
    Rens. : www.lafriche.org

  • Minuit : les 10 & 11/02 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e).
    Rens. : www.merlan.org

 

 

Sabordage ! par la compagnie La Mondiale Générale

Sabordage © Pernette Benard

La jeune compagnie localisée à Arles s’intéresse à l’origine des situations, au moment où les enjeux humains et narratifs se mettent en place. Un cirque d’auteur, de recherche, engagé, mais aussi un cirque de mouvement et d’action, sonore et peuplé d’images suggestives qui poussent à la réflexion et au divertissement. Leurs histoires parlent d’élan vital, de volonté de s’élever. Avec Sabordage !, ce sont sur des bastaings, agrès de bois minuscules et hauts, qu’ils escaladent comme autant d’interrogations sur l’état actuel du monde, une fin de cycle pour l’humanité. Fondateurs de la compagnie, Alexandre Denis et Timothé Van Der Steen ont collaboré avec deux autres acteurs acrobates, Sylvain Julien et Frédéric Arsenault, car comme le rappelle Alexandre Denis, « Nous travaillons autour d’une thématique et il en émane une forme. » Une démarche très intéressante qui a le soutien de la Région. La création témoigne du dynamisme des coproductions locales avec un accompagnement conjoint du Citron Jaune, du Théâtre Massalia et du Théâtre d’Arles, où la forme longue du spectacle sera présentée en octobre prochain. Une compagnie à ne pas lâcher des yeux.

 

Bestias par la compagnie Baro D’Evel Cirk

 

Bestias © Ian Grandjean

La troupe catalane a réussi à créer un langage inédit au-delà du cirque et de la danse, plus qu’un style, une entité singulière belle et très fluide. Baro D’Evel Cirk travaille toujours avec beaucoup de langage, construit ses spectacles autour d’un mélange entre dramaturgie et chorégraphie dans un contexte surréaliste où se côtoient sens et non-sens. Présenté en 2016 aux Élancées, Bestias a nécessité deux ans de conception et six mois de travail plateau mais comme le dit Blaï Mateu Trias, artiste directeur de la compagnie, « Nous savons que ce qui transparait dans une création, c’est l’aventure de la création. » Ici, elle s’est faite avec des chevaux et des oiseaux, véritables acteurs du show et non domptés pour le show. Un pur bijou qui questionne la place de l’animalité et de l’humanité.

  • Du 28/01 au 1/02 à la Garance, Scène nationale de Cavaillon.
    Rens. : www.lagarance.com

 

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